Obligatoire pour les structures publiques médico-sociales de plus de 80 lits, la présence d'un mandataire judiciaire reste dans les faits peu appliquée. Sans contrainte réelle pour les directeurs, aucune sanction n'est prévue à ce jour, sans statut reconnu pour les préposés, le blocage semble net. Le point avec Fabienne Dutoit préposée d'établissement dans les Hauts de France et représentante de la COMAJEPH1.
Le mandataire judiciaire en EHPAD, un rôle clef pour protéger les majeurs
Quelle est la situation en France aujourd'hui ?
Fabienne Dutoit : La loi du 5 mars 2007 impose aux établissements publics au-delà de 80 lits de disposer d'un mandataire judiciaire. Pourtant cette loi, en vigueur depuis 11 ans, n'est toujours pas appliquée, et ce malgré les nombreux rapports interministériels, dont ceux du Défenseur des droits et de la Cour des comptes en 2016, de l'IGAS en 2014... En cause, l'absence de financements. Les directeurs d'établissements médico-sociaux ont l'obligation d'embaucher un mandataire judiciaire mais ne perçoivent pas d'enveloppe budgétaire consacrée à cette activité. Ils n'ont pas non plus de sanctions s'ils ne respectent pas la loi. Par ailleurs, les directeurs n'ont pas la pleine connaissance de notre métier et n'ont pas été sensibilisés sur le rôle des préposés. Ils ne peuvent donc pas se mobiliser pour faire évoluer la situation.
Quels sont les différents types de mandataires judiciaires ?
Fabienne Dutoit : Il existe trois catégories distinctes. Les mandataires associatifs, qui ont le monopole de l'activité aujourd'hui, les libéraux, et les préposés d'établissement. Ces derniers, que je représente, rencontrent une vraie difficulté pour être reconnus au sein de l'établissement. La reconnaissance passe par le statut et la rémunération, ce qui n'est toujours pas le cas. Il en résulte une grande diversité de grades, et de statuts, et donc une rémunération moindre. Nous avons donc du mal à trouver des prétendants. Personne ne souhaite postuler. Pourtant nos fonctions sont essentielles. Nous accompagnons les personnes isolées, mais aussi les familles et les professionnels. Nous construisons une relation de proximité, ce qui est un avantage indéniable pour la personne protégée. Notre présence au sein de l'établissement nous permet de mieux comprendre les situations et d'avoir une expertise sur des problématiques propres aux structures d'hébergement (pathologies liées au vieillissement, psychiatriques). Elle nous donne disponibilité et réactivité.
Quels sont vos champs d'intervention ?
Fabienne Dutoit : Bien loin de se limiter à la distribution d'argent liquide pour répondre aux petites dépenses personnelles, les fonctions du mandataire judiciaire couvrent l'ensemble des préoccupations d'un individu. Chargé du bien-être de la personne dont il s'occupe, le mandataire judiciaire veille en priorité au respect de ses droits et de sa personne, dans tous les sens du terme, tout en favorisant son autonomie. Il gère le patrimoine mobilier et immobilier, met en place et rétablit les droits sociaux des personnes (demandes de pensions, allocations spécifiques, aide sociale), gère l'administratif et traite les courriers auprès des différents organismes, assure la défense de leurs intérêts patrimoniaux ou extra patrimoniaux (dépôt de plainte, successions, sur endettement etc) et répond aux exigences du code de la santé publique et du code d'action sociale, par l'information et l'autorisation en matière de soins médicaux. Sans oublier de se conformer aux obligations et informations vis-à-vis des magistrats, conformément à la législation. Il est surtout indépendant de sa hiérarchie, même lorsqu'il est salarié d'un établissement. Son bureau est fermé à clef et toutes les informations et décisions qu'il est à même de prendre sont confidentielles.