A une époque où la place de l'usager dans le système de santé était des plus réduite, le passage à la postérité d'un patient signifiait souvent un sort clinique peu enviable. Et encore l'histoire n'a retenu ici que son nom à savoir Monsieur Leborgne.
Le siège du langage articulé
Toutefois en ce 18 avril 1861 ce n'est que son seul cerveau qui est présenté par son médecin à la société d'anthropologie. Monsieur Leborgne est plus connu alors sous le surnom de Tan dont il fut affublé à l'hospice de La Pitié Salpêtrière car il ne prononce en tout et pour tout que cette syllabe qu'il duplique souvent sous la forme d'un " Tan-Tan ". Son médecin souligne toutefois que seule la colère ajoute à ce vocable un peu restreint l'expression inattendue de " Sacré nom de Dieu ".
Ce médecin à la fois anatomiste et anthropologue est né le 28 juin 1824 dans la ville girondine de Sainte-Foy-la-Grande. L'histoire se souvient de son patronyme intégral puisqu'il s'agit de Paul Pierre Broca découvreur de la célèbre aphasie éponyme. L'altération de l'état de Monsieur Leborgne s'étala sur plus d'une décennie mais ce n'est que 5 jours avant sa mort que Broca le croise alors qu'il vient d'être admis pour une gangrène à un membre paralysé. Au cours de l'autopsie Broca retrouve un cerveau à l'hémisphère gauche ramollis et avec des circonvolutions frontales presque entièrement détruites. Anatomiste distingué il en déduit que c'est probablement dans la partie postérieure du lobe frontal que siège l'origine du langage articulé.
Chanter sous hypnose
Mais revenons un tout petit peu en arrière dans la vie de Paul Broca, à savoir le 5 décembre 1859, jour où il présente à l'Académie des sciences une note sur l'anesthésie chirurgicale hypnotique. Sa présentation se concluait ainsi : " Une pratique qui, entres nos mains inexpérimentées, a pleinement réussi trois fois sur quatre à produire l'anesthésie, semble dès maintenant devoir réussir chez beaucoup de sujets, et s'il en était ainsi, l'anesthésie hypnotique serait appelée sans doute à rendre d'utiles services à la chirurgie ". Dans une lettre adressée 5 jours plus tard au rédacteur du Moniteur des sciences médicales il précise : " En considérant le pouvoir de l'hypnotisme pour émousser les sensations morbides, je signalerai son pouvoir pour soulager ou empêcher entièrement la douleur des opérations chirurgicales ".
Quelques 155 ans après, la presse s'est faite largement l'écho de l'intervention sous hypnose de la chanteuse Alama Kanté, nièce du célèbre Mory Kanté. Pour opérer des cordes vocales une chanteuse professionnelle l'équipe chirurgicale a trouvé plus sûr de ne pas recourir à l'anesthésie générale. Sous hypnose, et avec une légère anesthésie locale, la chanteuse a pratiqué des vocalises durant toute la durée de l'intervention permettant à son thérapeute de vérifier à l'oreille l'innocuité de son geste chirurgical. Avec un nombre exponentiel de publications scientifiques sur le sujet on peut comme le python Kaa du livre de la jungle conclure : " Aie confiance, crois en moi ".
Et vous, êtes-vous prêt à entrer dans la transe ?
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