Les Ehpad habilités vont pouvoir appliquer un tarif différencié pour les résidents non bénéficiaires de l'aide sociale à compter du 1er janvier 2025. Un décret fixera un plafond national de hausse.
Le tarif différencié pour sortir la tête de l'eau
Différencier les tarifs d'hébergement entre résidents bénéficiaires ou non de l'aide sociale à l'hébergement (ASH) est possible depuis près de 20 ans grâce à l'article L. 342-3-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) créé par l'ordonnance Borloo du 1er décembre 2005. Si, et seulement si, le conseil départemental est d'accord. Avant ces dernières années, peu d'Ehpad se sont emparés du tarif différencié, alors même que moins d'un quart des places habilitées sont occupées par des bénéficiaires de l'ASH (voir encadré). Citons tout de même le pionnier, le groupe associatif SOS Seniors qui a sollicité les départements un par un pour déployer son dispositif de « surloyer de solidarité » pour les non bénéficiaires de l'ASH avec tarification progressive en fonction des revenus.
Mais c'est en train de changer. Le tarif différencié vient de sortir de la boîte à outils où il était remisé grâce, notamment, à un gros coup de projecteur de l'Agence nationale d'appui à la performance sanitaire et médico-sociale (Anap). Et à la prise de conscience de certains départements.
Le cadenassage des prix de journée ASH
La raison ? La situation financière catastrophique des Ehpad aggravée par le cadenassage des prix de journée ASH en dessous de l'inflation. Il est devenu urgent de ne pas attendre, résume le gestionnaire de l'Ehpad associatif de Mauriac qui vient d'avoir le feu vert du conseil départemental du Cantal en même temps que deux Ehpad publics (voir « Trois questions à »).
L'urgence ? Le législateur vient de la prendre en compte. Une réforme du tarif différencié prévue par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie entrera en vigueur le 1er janvier 2025. Issu d'un amendement sénatorial adopté contre l'avis du gouvernement puis remis d'équerre par la commission mixte paritaire, l'article 24 de la loi réécrit entièrement l'article L. 342-3-1 du CASF. Les Ehpad majoritairement habilités à l'aide sociale ont désormais la main. Ils pourront choisir de fixer, pour les places habilitées, deux tarifs différents pour les résidents bénéficiaires de l'ASH et les autres, avec un même niveau de garantie et dans la limite d'un écart fixé au niveau national par décret - le règlement départemental d'aide sociale pourra toutefois fixer cet écart à un pourcentage moins élevé afin de maintenir une offre d'hébergement accessible.
Le législateur a également prévu des garde-fous pour que les établissements ne privilégient pas un public plus solvable au détriment des bénéficiaires de l'ASH. Avant le 31 mars de chaque année, ils devront transmettre au conseil départemental un état du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale accueillis. En cas de baisse supérieure à un taux fixé par ce même décret, retour à la case convention d'aide sociale.
« Une intervention législative indispensable »
Le rapport Pirès Beaune de juillet dernier demandait « une intervention législative indispensable » sur le sujet, les tarifications contraintes empêchant les établissements « de disposer des marges de nature à leur permettre d'équilibrer leurs charges et leurs produits, et de procéder aux nécessaires opérations d'investissement, de réhabilitation ou d'entretien ».
La réforme était aussi souhaitée par les acteurs publics et associatifs qui y voient une bouée de sauvetage. C'est chose faite, et Marc Bourquin, conseiller stratégie de Fédération hospitalière de France (FHF), salue cette possibilité de moduler les tarifs hébergement pour les non bénéficiaires de l'aide sociale « tout en préservant intégralement l'accessibilité économique pour les plus modestes ». Dans un contexte de « déficits alarmants », elle est « essentielle mais pas du tout suffisante à elle seule » : d'autres financements seront nécessaires pour permettre aux Ehpad de retrouver leur équilibre financier, insiste-t-il. Il « est très souhaitable » pour lui que les travaux concernant le décret d'application en Conseil d'État « s'engagent au plus vite ». Le cadre réglementaire sera évidemment décisif. Point crucial : l'écart maximum fixé nationalement.
L'enjeu ? Dégager des marges de manoeuvre pour les Ehpad sans devenir dissuasifs pour les personnes âgées et les familles - les taux d'occupation peuvent déjà être problématiques. La question de la modulation en fonction des capacités contributives sera aussi sur la table. En l'absence de consensus national, elle pourrait être laissée au libre choix des Ehpad...