Le vieux est un témoin
Je m'appelle Dominique, j'ai 62 ans et la retraite approche.
Mes parents, disparus depuis trop longtemps, n'ont jamais pu connaitre la vie en établissement. Quel serait leur ressenti ?
Si je devais entrer dans une institution, j'aimerais qu'elle soit vivante, accueillante, souriante... Loin des concepts imposés par ceux qui n'iront jamais, qui ne font que se protéger dans leur job, en desservant les projets que nous avons en tant qu'individu.
Serait-il si compliqué de laisser vivre chacun, ici ou ailleurs ?
Vivre, c'est prendre un risque ; que toutes les directions des établissements prennent le risque de nous laisser vivre.
Vivre, c'est désobéir, garder de la curiosité, de l'envie, du désir.
Vivre, c'est à la fois résister et porter ses opinions au plus haut, et non pas subir des horaires de toilettes, des animations qui, si elles n'évoluent pas, me feront chanter la danse des canards... Subir des soins que je n'aurais pas toujours sollicités, voire refusés... Contre toute décision "médicale" qui n'a pas à s'opposer à ma volonté.
Vivre, c'est s'enrichir de l'autre, par un lien social fort, par des rencontres, par de la culture amenée à l'établissement si je ne peux plus sortir (théâtre, ciné, conférences...).
Directeur d'établissement depuis 20 ans, ai-je réussi à le faire pour les autres ?
Carcans administratifs, normes en tout genre, absurdes souvent, inutiles parfois. L'hôpital à tout va. L'hospitalo-centrisme me dérange et m'angoisse, moi qui cherche l'adaptation des organisations au service des projets personnels des citoyens qui ne perdent aucun droit en entrant en institution.
L'avenir des maisons de retraite peut-être rose, si ceux qui décident, laissent parler ceux qui savent.
Le vieux n'est pas un coût pour la société, surtout avec ce qu'il touche comme retraite... C'est un témoin, un relai, donc une richesse, un investissement.
Un vieux qui nous quitte, c'est une partie du patrimoine qui s'efface.
Mépriser les vieux, c'est mépriser son propre avenir.
Dominique Gelmini
Directeur de la Maison Saint-Joseph à Jasseron (Ain)