L'ABRAPA est une des associations les plus importantes de France. Jean Caramazana, son directeur-général, évoque pour nous les conditions assurant la pérennité d'une association.
Le volume nous permet d'intégrer des compétences
Le développement est le nerf de la guerre, il permet de financer un siège composé de matière grise qui lui-même produit des solutions qui participent au développement. Un cercle vertueux s'installe et rend la structure pérenne. Que se passe-t-il en réalité ? Les vivres sont coupées : il y a de moins en moins de subventions, donc ceux qui vivent grâce à des subventions sont condamnés. Ceux qui vivent grâce à l'exploitation de l'activité vont survivre.
Est-ce que l'exploitation d'activités permet de se développer et d'investir ?
Tout dépend de la stratégie. L'ABRAPA est une association très diversifiée dans ses métiers puisqu'elle fait pratiquement tout ce qui est maintien à domicile (aide à domicile, SSIAD, portage de repas, téléassistance, accueil de jour, transport accompagné, hôpitaux de jour, équipes de visiteurs à domicile). Toutes ces activités participent à offrir une prestation globale pour les besoins individualisés des personnes. Mais puisque nous ne sommes plus subventionnés, nous sommes en concurrence avec ceux qui font la même chose que nous.
Notre autre pôle d'activités est l'hébergement. Nous gérons 13 EHPAD (1075 lits) et 6 résidences seniors (500 logements locatifs). Nous aidons 25 000 personnes tous les jours dans le département grâce à 3000 salariés. Puisque l'Abrapa offre une prestation gérontologique complète de services et d'hébergement, sa problématique est d'être de plus en plus concurrencée par le secteur lucratif. Il y a 15 ans, nous étions une dizaine d'associations de services à la personne. Aujourd'hui nous comptons plus de 350 organismes lucratifs sur le département. Nous sommes donc devenus concurrents d'acteurs atomisés. Les pouvoirs publics y voient un marché qui se développe... En réalité la part du gâteau ne grandit pas ou peu, mais elle se partage entre des opérateurs de plus en plus nombreux. L'atomisation tire la prestation vers le bas. Il faut donc beaucoup d'idées pour sortir de cette jungle, trouver sa place et être connu et reconnu.
Nous offrons de la relation d'aide et en termes de développement, deux grands axes (développement interne et externe) et une stratégie de segmentation s'imposent. Le développement interne vise à augmenter le volume des activités existantes et de créer de nouveaux services. Il faut un incubateur d'idées composé de salariés de tous services qui réfléchissent à ce qui serait utile à la population et qui n'existe pas déjà ou peu. Pour augmenter le volume des activités existantes - ou limiter la perte de volume due à la concurrence -, il faut une communication ciblée et si possible intégrer des filières amont. Prenons le portage de repas à domicile. Nous livrons tous les ans 495 000 repas dans tout le département. Mais savons-nous faire la cuisine ? Non, jusqu'à présent nous achetions ces repas auprès de traiteurs industriels. Alors, Jean-Jacques PIMMEL, Président de l'Abrapa, a convaincu son Conseil d'Administration «d'intégrer» la fabrication des repas. Nous avons ainsi créé une cuisine centrale locale alsacienne dont nous sommes les actionnaires. Nous pouvons désormais décider de la politique de restauration. Par exemple, les repas pour les personnes âgées ne sont plus des repas assemblés mais cuisinés, et majoritairement avec des produits locaux. Nous avons conçu notre propre catalogue de menus y compris de menus spéciaux : régime diabétique, sans sel, du soir, du midi... Aujourd'hui de plus en plus de personnes âgées reconnaissent notre qualité de repas et le pari de l'intégration de la filière en amont est réussi.
Une croissance externe est-elle envisageable ?
Pour le développement externe on parle alliance ou fusion. Certaines associations cherchent à s'adosser à une structure sécurisante. Récemment une association s'est rapprochée de nous en nous demandant de l'aider. En l'aidant, nous avons dû prendre le contrôle de l'organisation en appliquant nos procédures de fonctionnement. On a fini par fusionner et l'emploi a été sauvegardé au grand soulagement des clients. Nous avons donc augmenté notre chiffre d'affaires mécaniquement, lequel a participé au financement du siège qui, rappelons-le, pilote le développement. S'installe bien ainsi une boucle vertueuse qui pérennise l'association. Certes, nous ne pouvons pas nous enrichir puisque 90% de nos budgets sont tarifés par les pouvoirs publics. Seule l'évolution du volume d'activités peut contribuer à l'évolution de nos compétences au service du développement et de la qualité.
On peut aussi imaginer des alliances. Le Président PIMMEL a pris l'initiative de créer une association sommitale le GASAL (Groupement d'aide et de soins en Alsace) réunissant l'Abrapa et le Réseau APA, une autre association dans le Haut Rhin. Nous avons mutualisé beaucoup d'actions comme celle des achats. Nous avons réussi une très bonne négociation concernant un parc commun de 250 véhicules... La mutualisation est une forme de développement par l'économie des coûts.
L'action commerciale est-elle un outil utilisable ?
Il faut regarder aussi le développement à travers le prisme du client. Nous avons réfléchi à plusieurs axes stratégiques qui se matérialisent dans un plan d'actions pluriannuel:
- la fidélisation des clients
- un réseau d'influence qui favorise la notoriété grâce au soutien d'entreprises acceptant d'associer leur marque à la nôtre.
- se faire mieux connaître des professionnels prescripteurs
- Avoir une meilleure visibilité auprès du grand public
- participer à l'Economie sociale et solidaire en faisant partie d'un même cercle.
Nous devons bien entendu utiliser les outils du marketing, ce qui ne déroge pas à nos valeurs car ce ne sont que des outils.
Il n'y a plus d'argent mais demeurent des appels d'offres et des subventions ponctuelles européennes ou de fondations. Cela nécessite une véritable ingénierie de gestion de projet pour décrocher ces difficiles financements...
Tout cela, nous le mettons en oeuvre et nous venons même d'embaucher un Responsable de Développement pour démultiplier notre action.