Alors que la politique de santé doit être repensée et réorientée vers la prévention et l'accompagnement des personnes, les aidants informels, ou plutôt les aidantes, puisqu'il s'agit de femmes dans 60?% des cas (cf panel BVA/Fondation Novartis) forment une figure majeure de la société du soin.
Les aidants au coeur du care
C es personnes assument une grande part du soutien et de l'attention auprès des plus fragiles, personnes vieillissantes, malades chroniques ou personnes en situation de désavantage. Ces soutiers du care bénéficient d'une bien faible reconnaissance sociale alors qu'ils sont absolument nécessaires à l'économie générale du soin.
Si l'âge moyen des aidantes et des aidants est de 64 ans, celui des aidés est de 77 ans. Ces aidants sont souvent des salariés en activité qui doivent concilier deux contraintes. Avec la croissance constante du nombre de malades chroniques et la hausse continue du nombre de personnes de plus de 50 ans pouvant potentiellement faire face à la grande fragilisation liée au grand âge d'une compagne ou d'un compagnon ou d'un parent, la société, la famille ou encore l'entreprise vont devoir apprendre à composer avec cette réalité nouvelle dont l'effet se renforcera au fil des ans.
Aider les aidants
Dans une perspective sociétale, ces dernières années ont été marquées par deux changements majeurs dans le domaine de la santé : le lent passage d'une approche centrée sur le médical vers une vision globale du soin ; et l'intégration progressive des proches dans la démarche thérapeutique. Les médecins et les personnels soignants n'ont plus le monopole de l'agir. Aujourd'hui, les aidant(e)s, les familles, les proches sont parties intégrantes du monde de la santé et du soin. On prend la mesure, enfin, de l'importance du milieu dans la situation de santé de la personne. Cette prise de conscience est d'autant plus notable que l'environnement de la santé connaît des transformations majeures d'abord en raison de la contrainte financière et de la démographie médicale mais aussi du fait du bouleversement des modes de vie et des attentes, des personnes à soigner comme de leur entourage. Ce changement structurel se déroule sur fond de croissance du nombre de personnes âgées, de chronocisation croissante des maladies, d'augmentation de l'espérance de vie des malades chroniques et des personnes en situation de handicap.
Il faut dire, aussi, que les aidant(e)s exercent une incroyable mission de service public à titre bénévole et sans grand secours de l'État. C'est un vrai et beau sujet politique : l'État qui recule partout laisse aux familles, à l'entourage, le "?soin?" de faire face à ces situations pénibles et délicates. Or, l'accompagnement et le soutien aux aidant(e)s, relève possiblement de trois niveaux principaux d'intervention : les collectivités territoriales, l'entreprise et l'État.
En ce qui concerne les collectivités territoriales qui sont en situation de proximité, l'enjeu est de développer des structures et des moyens de soutien permettant aux aidants de pouvoir prendre un peu de distance, penser à soi, développer sans mauvaise conscience d'autres relations : pensons au développement de lieux de répit et de respiration, d'accueils de jour et de nuit, d'une politique de baluchonnage... Mais Il s'agit aussi que les villes soutiennent des actions d'information et de coordination, de valorisation et de formation, d'accompagnement (social et psychologique) des aidant(e)s, d'activités physiques adaptées pour les aidants ou pour le binôme aidant/aidé... Cette politique se fonde très largement sur la mobilisation d'associations.
Développer des filières
La mise en place, au niveau de l'entreprise ou de la commune, d'une plate-forme Web d'échanges, d'information et de mise en relation dédiée aux aidants apparaît comme prévisible à court terme pour fédérer l'information et le soutien.
Mais les entreprises seront aussi concernées par des évolutions du cadre social. Plus largement, la problématique concernera la mobilisation d'un ensemble de mesures fiscales et d'aides économiques et matérielles en faveur des aidants. En particulier, lorsque l'aidant doit réduire son activité professionnelle, voire même la quitter, il serait essentiel que ses droits sociaux ne soient en rien touchés et amoindris par cette décision. Sinon, c'est bien une double injustice qui se met en action.
Il s'agit aussi de développer des moyens et d'abord les filières d'aidant(e)s professionnels dans le domaine global du soin et, plus largement, du soutien aux personnes fragiles.
L'enjeu est bien de redonner sa chance à une société de l'interdépendance bienveillante.