Dans le n° 70-juin 2016  5688

Les aidants, des partenaires du soin en EHPAD

Si le maintien à domicile des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer à fait d'énormes progrès, il s'accompagne encore trop souvent, pour les aidants proches, d'un accroissement de solitude, de détresse, de difficultés de communication et d'un épuisement profond.

C'est souvent en dernier recours que les aidants familiaux (conjoint, enfant) sont amenés à prendre la décision d'un placement en institution qui risque alors d'être vécu comme un échec.

De nombreux aidants sont ainsi tiraillés par des sentiments ambivalents qui peuvent rejaillir dans leur relation à l'institution. Ecartelés entre soulagement et sentiment de culpabilité, ils peuvent tout à la fois vivre l'institution comme une "solution" dont ils attendent légitimement qu'elle prenne en charge la personne dépendante, et comme le révélateur de leur échec à s'occuper eux-mêmes de leur parent.

Ainsi, il n'est pas rare que le compliment côtoie la critique, que les attentes (trop) fortes se mutent en déception, voire en défiance vis-à-vis d'une institution perçue à tort comme un rival. L'aidant qui se culpabilise de ne plus être en mesure d'accompagner son parent, peut alors projeter sur l'institution son propre sentiment de culpabilité : vivant le professionnalisme des soignants comme une preuve de sa propre incompétence, percevant les paroles ou les choix des professionnels comme des reproches à son égard.

Ce que certains spécialistes appellent le "syndrome du parent soignant principal" est une grille de lecture intéressante pour comprendre les attitudes ambivalentes, voire "agressives" de certains aidants, qui témoignent plus de leur détresse que d'une réelle animosité à l'encontre des professionnels.

Il est donc indispensable, dans nos accompagnements, de prendre en compte ce contexte générateur de sentiments contraires qui engendrent des attitudes contradictoires vis-à-vis de l'institution et des professionnels.

Rôle de l'accompagnement en EHPAD

Même si l'institution n'a pas pour mission première d'accompagner les familles et les aidants, il apparait plus que judicieux, dans le cadre de la réflexion collective sur le projet de soin, de leur faire une place dans les accompagnements et de prendre en compte le vécu des proches qui, bien longtemps avant l'institution, ont supporté seuls des situations extrêmement difficiles à vivre.

Afin d'éviter les malentendus et les tensions inutiles, il est nécessaire d'aller au-delà d'une simple réflexion en équipe sur la place des familles et de penser leur accueil au long cours : il y a quelques années le pédiatre Thomas Brazelton spécialiste de la petite enfance, expliquait que face à la surmédicalisation de la naissance certaines mères n'arrivaient pas à rencontrer leur enfants et que de nombreuses difficultés dans la relation mère-enfant ou parents-institution médicale trouvaient leur genèse dans cette rencontre ratée. Son travail l'a amené à proposer des actions simples qui ont permis d'améliorer cette relation : il préconisait ainsi que le soignant devait tout faire pour "présenter" l'enfant à sa mère afin que l'institution et la médicalisation ne soit pas un obstacle à la rencontre et à la construction du lien.

Il en est de même dans les établissements : de par sa désorientation et ses troubles du comportement, la personne atteinte de pathologie dégénérative peut amener l'aidant à douter de sa capacité à entrer en relation avec son parent qui lui apparait alors comme un inconnu. L'EHPAD se doit ainsi de créer les conditions matérielles et humaines qui permettent de re-présenter les personnes à leurs proches, afin de les aider à retisser un lien effiloché par l'angoisse, le sentiment d'étrangeté et la culpabilité.

A cet effet, il apparait plus que judicieux de travailler en équipe pluridisciplinaire, un projet d'accueil qui permette à l'aidant de ne pas vivre l'entrée en EHPAD comme un obstacle à la relation. Les professionnels peuvent alors se vivre comme des " facilitateurs de lien " et proposer des outils ou des espaces qui permettront aux proches de regarder leurs parents autrement que sous le prisme unique de la perte et de renouer avec la rencontre. Envisager un accueil en plusieurs temps, qui permette de rassurer les aidants et de les aider à trouver et inventer une juste place, élaborer un livret d'accueil qui permette de présenter la philosophie qui sous-tend les choix d'accompagnement, réaliser une brochure qui propose des pistes et des conseils en matière de communication et de relation, proposer des temps festifs qui permettent de vivre des moments de joie partagée seront autant d'initiatives qui aideront les aidants à construire une relation de confiance sur le long terme.

De nombreux travaux ont montré les bénéfices, des espaces de paroles et d'écoute à destination des proches : lorsque l''aidant, se sent pris en compte, au travers de sa parole et de son parcours, gardant son statut d'accompagnant, le mieux-être qui en résulte rejaillit sur le résident et sur les équipes. Les personnes atteintes de pathologie de type alzheimer, ont une mémoire émotionnelle qui perdure au-delà des pertes cognitives. Ils seront particulièrement sensibles au ressenti de leurs proches.

Les aidants, par la place singulière qu'ils occupent auprès des personnes accueillies, peuvent mettre en question les pratiques institutionnelles. Leur place n'a pas toujours été suffisamment pensée au sein de nos organisations. Leur présence tout comme leur absence peut être vécue comme une entrave aux soins et aux activités. Il peut être aussi tentant de vouloir les cantonner à un rôle de spectateurs passifs de CVS organisés plus comme une obligation légale que comme un espace de construction et de dialogue.

Les professionnels chargés de piloter le projet d'accompagnement et d'encadrer les professionnels doivent prendre en compte ces aspects et aider les équipes à mieux intégrer les aidants, en particulier les plus difficiles, comme de véritables partenaires de soins.

Yves Clercq

Psychologue, consultant à l'institut Meslay

Responsable de formation Ide Référente Coordinatrice en gérontologie

y.clercq@meslay.org

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