L'évaluation à l'entrée en Ehpad identifiera les résidents à risque et donnera le top départ d'une prévention vigilante de la survenue d'escarre. Les aides-soignants sont en première ligne.
Les aides-soignantes vigies de la prévention
Parlons mécanique d'abord : les escarres sont causées par la pression exercée sur la peau et le muscle due à un appui prolongé ou bien par les forces de friction (c'est-à-dire le frottement qui provoque une abrasion - les plis de drap peuvent suffire à traumatiser la peau) et surtout de cisaillement (c'est-à-dire le glissement du patient dans son fauteuil). N'oublions pas le microclimat, cette macération qui fragilise la peau, augmente la friction et accroît le cisaillement.
L'âge est en lui-même un facteur de risque car il s'accompagne d'une fragilité de la peau et de l'atrophie du tissu sous-cutané. Cette fragilité majore donc le risque de survenue d'escarre.
Il faut aussi noter l'augmentation du nombre de personnes âgées vivant avec des maladies chroniques, elles-mêmes à l'origine d'une majoration du risque d'escarres : diabète (limitation de la perception sensorielle et retard de diagnostic), maladies cardio-vasculaires, artériopathie oblitérante des membres inférieurs...
Identifier les résidents à risque est donc une priorité. Une évaluation doit être réalisée à leur entrée en Ehpad. La Haute Autorité de santé recommande l'échelle de Braden, simple et facile à utiliser. Mise au point en 1985 par Barbara Braden, infirmière américaine, elle prend en considération les facteurs tels que la perception sensorielle, l'humidité, l'activité, la mobilité, la nutrition, la friction et le cisaillement. Elle fonctionne selon un système de points allant de 6 à 23.
Plus le score est bas, plus le patient est à risque. Le but est de mettre en place des actions ciblées et adaptées pour chaque résident en fonction du risque.
L'évaluation doit être médico-soignante et sera renouvelée à chaque changement d'état de la personne âgée. La vigilance est essentielle, et les aides-soignants sont en première ligne.
En effet, parmi le personnel de santé, l'aide-soignant est sans doute le plus proche des résidents. Il assure l'hygiène et le confort, assiste la personne dans tous les gestes de la vie quotidienne, surveille également l'état de santé physique et moral. Il est donc un acteur privilégié dont le rôle est essentiel dans la prévention des escarres. Aux côtés de l'infirmier, l'aide-soignant occupe une place centrale dans cette équipe pluridisciplinaire lors de l'évaluation du risque et lors de l'élaboration du plan de soins.
L'immobilité et la dénutrition sont les deux principaux facteurs de risque, suivies de près par l'humidité. Toutes trois s'intriquent et s'auto-entretiennent en un cercle vicieux à prévenir ou casser...
L'immobilité
Toute personne immobilisée au lit ou au fauteuil de façon prolongée est susceptible de développer des escarres. Planifier des changements de position pour décharger les points d'appui est devenu un enjeu.
Le défi est celui d'organiser avec l'équipe les changements de position des résidents à risque, toutes les trois à quatre heures en fonction des capacités, de l'état du résident et des supports utilisés. Ces actions peuvent très bien être réalisées au moment d'un autre soin (distribution des médicaments, repas, toilette, etc.). L'astuce peut être de transcrire ces changements de position sur le tableau de suivi laissé dans la chambre par exemple, ou sur le chariot de soin. Dans la mesure du possible, il convient de les effectuer à deux soignants pour éviter les forces de cisaillement et de friction. Des draps de glisse peuvent être utilisés pour faciliter les changements de position lorsque le soignant est seul.
L'utilisation de cales de décubitus latéral en mousse viscoélastique ou en microbilles et de décharges talonnières peuvent aider au bon positionnement du résident et à son confort.
En fonction de ses possibilités, bien entendu, il faut prévoir des mobilisations au lit ou au fauteuil pour limiter les temps d'appui sur une même zone et favoriser la marche et les levers dès que possible.
La dénutrition
La peau est plus vulnérable chez les personnes maigres et la dénutrition provoque une perte de masse grasse qui normalement protège contre les escarres. De nombreux travaux ont montré que la survenue d'une perte de poids, une réduction de l'indice de masse corporelle, ou des apports caloriques insuffisants (< 1 500 kcal/j) sont des facteurs de risque dans la survenue des escarres.
Il faut donc surveiller et évaluer les prises alimentaires (prise repas 1/4 1/2 3/4, repas complet) et les proposer plus souvent et différemment : repas fractionnés, collations plusieurs fois par jour adaptées aux goûts du résident, compléments nutritionnels oraux si besoin... L'objectif à atteindre ? Que le résident mange suffisamment. Et, en cas de manque ou perte d'appétit, il est aussi possible d'enrichir les repas en protéines sans augmenter les quantités - gruyère râpé sur les aliments, poudre de lait dans le yaourt, beurre, crème fraîche, fromage frais dans la purée ou la soupe. Les apports hydriques doivent eux aussi être quantifiés et augmentés par l'ajout de soupe, café, thé.
L'humidité
L'incontinence urinaire entretient une humidité permanente qui provoque une macération des tissus cutanés, une perte d'élasticité et une contamination des tissus. Cette macération fragilise les tissus et va accélérer l'aggravation d'une lésion débutante. L'hygiène est capitale. Il est nécessaire de réaliser des changes plus fréquents tout en respectant la peau avec l'utilisation de crèmes barrières et de matériel absorbant de bonne qualité. Il convient bien sûr d'utiliser des produits non détergents et non irritants, d'éviter de frotter la peau, de privilégier le rinçage ainsi que le séchage de la peau.
L'incontinence fécale peut être difficile à prendre en charge en gériatrie, notamment chez des patients porteurs d'une escarre sacrée. Elle est le plus souvent expliquée par une fausse diarrhée secondaire à la constipation. En effet, la perte d'autonomie, associée à la présence d'une escarre sacrée et aux traitements opiacés, est un facteur de risque majeur de constipation. Il est donc capital de prévenir la stase stercorale en prescrivant des laxatifs par voie rectale chez ces résidents. La prévention agira sur les causes et passera par des protocoles permettant de traiter ou même d'éviter sa survenue et donc de diminuer la macération cutanée.
D'autres facteurs de risques et d'aggravation des risques existent chez les personnes âgées souvent polypathologiques, de quoi justifier une démarche globale et volontariste de prévention. Car l'escarre entraîne une souffrance physique et morale, limite l'autonomie et retentit souvent et de manière sous-estimée sur la qualité de vie des résidents. Elle est aussi lourde de conséquences en termes de prise en charge par des soignants souvent démunis.