Identifier les besoins, mettre du sens dans chaque élément, penser autrement. Tels sont les conseils Franck Vinsot, architecte scénographe et directeur de la politique culturelle de la Fondation Hospitalière Sainte-Marie.
Les besoins au coeur du projet
Comment réussir un nouvel environnement??
Qu'il s'agisse de construction ou de rénovation, il faut raisonner en amont sur les besoins. "?Un environnement chaleureux et convivial?", cela ne veut pas dire grand-chose. Le projet d'établissement doit être au coeur de la programmation. Qualifier la commande, c'est un métier, pas juste une sensibilité comme certaines émissions de télé de décoration le laisse penser. Toutefois, la question de la décoration existe, c'est même la peau intérieure du bâtiment.
Sur quoi s'appuyer pour réussir un projet??
Le mieux est de construire un groupe projet et d'écrire les besoins autour de trois axes?:
- le quantitatif?: les budgets, les mètres carrés, les flux, les équipements...
- le qualitatif?: donner du sens à tous les éléments pour les patients/résidents, les soignants, les familles... quitte à s'éloigner des stéréotypes existants. Souvent les gens se sentent délaissés dans leur sensibilité. Dès qu'on commence à faire autrement, qu'il s'agisse de couleur ou d'espace, ils comprennent que c'est une attention qu'on leur porte.
- l'esprit?: la narration. Qu'est-ce que ce bâtiment doit raconter?? Est-il dans un environnement historique, est-ce une référence sensible pour une génération?? Cela donne des indications pour l'architecture.
Dans des budgets souvent contraints se faire aider par un scénographe peut sembler un luxe...
Financer un scénographe, c'est potentiellement réaliser des économies. L'environnement créé en tandem avec l'architecte aura plus de sens et les arbitrages, parfois, sont sources d'économies.
Le rôle de la couleur est important (souvent très stéréotypées dans le monde médical ou médico-social)... La vraie question est?: en quoi la couleur peut-elle aider à l'activité du lieu?? En tant que scénographe, je travaille les contrepoints et l'organisation de la couleur de façon narrative ou fonctionnelle. En posant au sol des différences de couleur par exemple, on construit une ligne de marche qui ne dit pas son nom.
Comment mettre du qualitatif face à toutes les contraintes?? Les contraintes doivent être des moteurs de créativité.
Ainsi, les espaces "?de circulation?", nécessaires, sont aussi des espaces de vie sociale?: ils peuvent déboucher sur des salons ouverts, des formes douces, non linéaires... Autre exemple?: pour protéger les murs des chocs des chariots, souvent on pose des plaques de plastique. Cela coûte cher et ce n'est pas un modèle esthétique. À la Fondation Sainte-Marie, nous avons recouvert les gros piliers centraux avec des briques. C'est un matériau noble, chaud et durable, qui acquiert un beau patiné en se dégradant.
Ailleurs, pour créer un univers sensible dans un logement de 30?m², nous avons regardé ce que les personnes avaient connu?: les papiers peints à motifs, les planchers... et choisi, matériaux et motifs en conséquence. Ce concept nous l'avons nommé?: "?Futur antérieur?".
Un dernier conseil??
Tendre vers la réconciliation entre l'art et la science, pour que l'architecture devienne sensible performante et humaine.
Arrêter de dire non, penser autrement et avoir une maîtrise d'ouvrage éclairée et moteur du projet. Ainsi, à l'Ehpad Robert-Doisneau, nous avons entre autres, réalisé un potager sur le toit, au 7e étage alors même que les questions d'accessibilité, d'autorisation auraient pu nous arrêter...