C'est par ce message optimiste que s'est ouverte la Conférence européenne organisée par l'association des établissements et services pour personnes âgées (EAHSA) et la FNAQPA les 22 et 23 septembre à Lyon.
Les directeurs d'EHPAD réunis en congrès européen
Face aux tensions rencontrées par le marché, les gestionnaires d'EHPAD se voient aujourd'hui dans l'obligation d'imaginer de nouvelles manières d'appréhender l'avenir et de réinventer des modèles. " On ne peut pas se limiter à réformer l'existant ", annonce Didider Sapy, directeur général de la Fnaqpa. "Il faut le révolutionner, penser européen et agir localement." Et pour partager innovation et inventivité, inspirées des meilleures expériences terrain, plus de 270 personnes originaires de 23 pays se pressent dans la grande salle de la Cité Internationale.
Passer d'un coût social à un investissement social
Jean-Paul Delevoye, ancien Ministre et ancien président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) n'a pas mâché ses mots. Face à la crise, " le piège serait de s'enfermer dans notre frontière de métier. Or nous sommes aujourd'hui au coeur d'un choix de société, qui peut entraîner soit une fracture soit une responsabilisation face à la fragilité. Nous devons en faire une force ". Nous ne serions donc pas en crise mais en métamorphose, à la recherche d'une vision et de leaders. A la différence d'un manager qui gère des problèmes, le leader donnerait envie. " Nous devons travailler à ce que les gens acceptent de vivre ensemble ", ajoute Jean-Paul Delevoye, convaincu que trouver une solution pour les plus fragiles permettrait d'améliorer globalement la société, en apaisant les peurs.
Nous sommes entrés dans un monde de l'adhésion, de l'intelligence collective. Les managers doivent animer des équipes et non les diviser. L'aventure humaine repose ainsi sur la valorisation du potentiel humain. La richesse d'un pays se trouvant dorénavant dans la mobilisation de son intelligence et non plus de ses seules ressources.
Traiter les individus de manière singulière
Aujourd'hui, la question des parcours est largement évoquée. Chacun souhaite être traité de manière singulière, dans une relation d'accompagnement qui lui permet de surmonter sa difficulté propre. Se pose alors la question du recrutement de personnes qualifiées. Si comme l'indique l'OMS, seulement la moitié des 40 millions d'emplois créés dans le domaine de la santé d'ici 2030 seront pourvus par des personnes qualifiées, comment répondre de manière adaptée aux besoins spécifiques ? Pour Paula Guimaraes, directrice de la Fondation Montepio (Portugual), " l'effort doit venir de chacun d'entre nous ". Il faut partager les ressources, les moyens, les communications et donner la priorité aux relations familiales. " Pour ajuster nos services, nous évaluons, planifions, travaillons en réseaux. La télémédecine est par exemple une alternative efficace, complémentaire aux moyens humains ".
Pour Serge de Kerf, vice-président de la branche Senior de Sodexo, " face aux nouvelles demandes, il faut améliorer la qualité de services. La clef se trouve dans la diversité. Les besoins des personnes sont de plus en plus variés. Nos employés doivent refléter ces besoins, connaître les croyances de chacun... Pourquoi ne recruterions nous pas parmi les seniors ? "
L'humain au coeur des relations
Lorsque le personnel est formé à la relation humaine, une place se crée naturellement pour l'innovation. " Il faut responsabiliser le personnel et le pousser à la prise de risques ", confirme Stephen Colissen, directeur général du groupe australien Mercy Health. " Mais cela doit s'accompagner d'une structuration des pratiques. Il faut contrôler la performance pour pouvoir démontrer nos résultats. Les audits annuels permettent ainsi de réaliser des tableaux de bord efficaces. "
Placer l'humain au coeur des pratiques, c'est aussi la démarche développée par Nicole Poirier au Canada. Carpe Diem, l'association qu'elle a créé pour répondre aux besoins de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer est aujourd'hui reconnue comme un modèle d'accompagnement global. 15 personnes " malades " vivent dans une maison où la prise de risques est acceptée. Ce qui importe, c'est le changement de regard. " On s'intéresse aux capacités restantes. Cela implique de modifier notre vocabulaire et de rechercher des employés dont les personnalités priment. L'empathie, le travail d'équipe et la souplesse sont essentiels. Il y a trop d'imprévus pour les personnes rigides. Elles risquent de vouloir prendre le contrôle sur la personne âgée ", ajoute-t-elle. A noter aussi une sensibilisation au management. " Il faut que je puisse miser sur les forces de mon équipe. Notre philosophie de gestion est différente de la philosophie hiérarchique, qui vise à distribuer le pouvoir. Car généralement c'est bien la personne qui a le moins de pouvoir dans une institution qui se trouve au contact de la personne âgée. Si elle est frustrée, elle risque de vouloir la dominer. Et là, tout le monde est perdant ". Un point de vue à méditer dans nos organisations très hiérarchisées.