Installé aux commandes de la FNADEPA depuis près d'un an, Jean-Pierre Riso, président, livre sa vision du secteur, une vision engagée et ambitieuse. Interview.
Les Ehpad aussi doivent se transformer, s'ouvrir, rester des lieux de vie, des plateformes de ressources pour les acteurs locaux
Vous êtes à la tête de la FNADEPA depuis mars 2018. Quel bilan tirez-vous de l'année écoulée ?
Notre secteur d'activité vit un moment historique. Prendre des fonctions dans cette actualité impose de mesurer le virage réalisé. L'année 2018 a été marquée par des mouvements sociaux inédits et sans précédent. Dès le début de l'année, la Fnadepa comme ses directeurs adhérents se sont montrés solidaires de cette très forte mobilisation.
2018 est également marqué par la concertation pilotée par Dominique Libault, à laquelle la fédération participe activement, notamment à travers deux groupes de travail, « Gouvernance et pilotage » et « Métiers ». C'est aussi la prise en compte de cette situation par le président de la République qui a annoncé une grande loi pour la fin de l'année 2019. Nous sommes à un moment charnière de la vie de notre nation, de notre mouvement et de notre secteur en général.
Nous sommes engagés nationalement pour porter des revendications, des positions, mais cette année nous avons aussi beaucoup travaillé en interne pour structurer notre réseau, par des réunions régulières car la force de la Fnadepa repose sur son maillage territorial. Nos colloques territoriaux et la vitalité politique de nos 1 200 adhérents favorisent l'émergence de véritables positions locales, plus faciles à porter au niveau national. La place de l'adhérent local doit avoir un écho national. Aujourd'hui, nous notons une articulation à double sens, ascendante, avec l'engagement militant, la remontée des initiatives terrain et d'une conviction politique, et descendante avec le développement d'outils fédérateurs et partagés.
Quelles sont les revendications de la Fnadepa concernant la concertation Grand Age et autonomie ?
De nombreux dispositifs ont été déployés ces dernières années et des moyens alloués, la CNSA a financé à hauteur de 10 milliards d'euros en 2018 les établissements et services pour personnes âgées . Ce n'est évidemment pas négligeable. Néanmoins, nous devons passer à d'autres enjeux. Nous avons aujourd'hui des revendications fortes qui touchent à la fois la question de la gouvernance et du pilotage, et les financements. Nous constatons tous à quel point le secteur est complexe, les financeurs sont multiples et les dispositifs manquent parfois de transparence. On ne sait plus toujours bien identifier qui finance, qui organise, qui pilote sur les territoires.
Le groupe de travail « Gouvernance et pilotage » n'a pas encore proposé de pistes concrètes. Nous travaillons à une meilleure lisibilité des besoins. Il y a encore des CPOM bloqués parce que l'ARS et le conseil départemental ne tombent pas d'accord pour des détails. Les directeurs sont pris en otage de situations qui deviennent ingérables dans leurs établissements. Les dispositifs doivent mieux s'articuler. Nous devons établir une vraie modalité de fonctionnement. La CNSA, les conseils départementaux, les ARS sont unanimes pour reconnaître qu'il faudrait trouver de meilleures articulations. Nous allons lors de notre prochaine réunion entrer dans la réalité des propositions. Sur l'atelier « Métiers », la restitution de Dominique Libault le 20 décembre 2018 nous a un peu inquiétés. Il a été dit dans ce groupe qu'il fallait d'abord des moyens supplémentaires, à la hauteur des enjeux, pour recruter davantage et fabriquer une reconnaissance financière à ces métiers. Notre secteur n'a jamais connu une telle difficulté à recruter, liée aux conditions de travail, à la rémunération et au manque de visibilité de ces métiers. Or dans la restitution, ces fondamentaux ne sont pas posé s comme un préalable à tout échange. Nous allons continuer à travailler. Je reste confiant mais nous devons rester très vigilant.
N'a t-il pas compris, pas entendu ou n'a t-il simplement pas de réponse...
Je ne peux pas croire aujourd'hui que cet aspect de moyens à la hauteur des enjeux ne puisse pas être mis concrètement à disposition de notre secteur. Mais il reste évident qu'on ne réussira pas la transformation de l'accompagnement du grand âge dans notre pays si on ne modifie pas les modèles existants. On ne peut pas demander d'argent sans nous interroger sur le fonctionnement de nos institutions. Le tout Ehpad comme le tout domicile sont inadaptés aux besoins et aux attentes. Partout sur les territoires, des expériences d'habitats inclusifs existent, menées avec ou sans le soutien de conseils départementaux. Nous devons réfléchir à la transformation, voire à la révolution, des services à domicile, aux questions de territoires, d'articulation entre les acteurs, de création de dispositifs nouveaux. Les Ehpad aussi doivent se transformer, s'ouvrir, rester des lieux de vie, des plateformes de ressources pour les acteurs locaux. Si on ne réussit pas cela, on ne réussira pas la transformation de l'accompagnement du grand âge.
L'ambition de la concertation est de modéliser les choses, de créer de la cohérence entre les différentes actions développées localement.
En Occitanie par exemple, il existe des Ehpad d'une trentaine de résidents. Il y a une véritable légitimité à faire perdurer ce modèle dans les campagnes. Il ne peut pas être transposé dans les zones très urbanisées mais il répond ici à un besoin spécifique, dans une couverture très rurale, et permet de lutter contre le déracinement, tout en restant viable financièrement. Ce n'est évidemment pas le modèle le plus aisé à faire vivre mais s'il permet d'assurer un parcours sur un territoire,nous devons être capables de proposer cette réponse spécifique. Transformer le modèle, c'est d'abord répondre aux attentes et aux besoins des personnes âgées et de leurs familles.
Qu'espérez-vous de la loi attendue fin 2019 ?
Nous attendons deux choses : d'abord des moyens suffisants. Les projections tournent autour de 6 à 8 milliards avec des sources de financement qui ne sont pas encore figées. A la Fnadepa, nous soutenons des solutions protéiformes. Plus le socle de solidarité nationale sera important, plus nous bénéficierons de garanties solides. Mais nous sommes toujours dans une logique de recherche de ces financements, pourvu qu'ils soient pérennes. Enfin nous espérons que cette loi permette de simplifier les dispositifs, d'installer une meilleure visibilité des actions, d'envisager des réponses et de manière globale, de transformer véritablement le modèle. Finalement nos attentes sont très concrètes pour les directrices et directeurs.