Dans la chronique du mois dernier, après avoir cherché à mettre dans son contexte les enjeux du financement de la perte d'autonomie j'avais abordé la problématique du mode de financement. D'autres enjeux, de société sont posés. Le premier a trait à la notion de droit universel au soutien à l'autonomie.
Les enjeux du financement de la perte d'autonomie : convergence ou droit universel au soutien à l'autonomie ? (partie III)
En effet, contrairement à la plupart des pays dont les économies sont proches de celle de la France, il y a une différence de situation importante entre les personnes reconnues handicapées avant 60 ans et les autres. Cet âge administratif ne recouvre aujourd'hui aucune réalité physique, sociale ou psychique. En moyenne les seconds disposent d'allocations deux à trois fois moindres que les premiers. La différence entre l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA) et la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) marque bien les différences de situation.
Le 1er janvier 2011 devait être la date limite pour appliquer la convergence (c'est-à-dire, la suppression de la barrière d'âge) entre les champs du handicap et du vieillissement voulue par le législateur (cf. article 13 de la loi du 11 février 2005). Le monde du handicap, qui a su défendre ses intérêts est très peu désireux de voir changer les choses de peur que les ressources destinées aux personnes soient orientées à la baisse. En effet, les estimations les plus courantes font état d'un surcoût de 5 Mds€ /an pour atteindre cette convergence...
La question de la convergence pose aussi l'enjeu d'un "guichet unique" pour l'ensemble des prestations et information. Cela passe peut-être par la création d'un nouveau métier : "care manager" ou "gestionnaire du prendre soin".
Cette réforme pose aussi la problématique de la gouvernance
Une cinquième branche de sécurité sociale implique de maintenir la logique de paritarisme qui préside aux organismes de sécurité sociale. À l'inverse, si cet élargissement de la protection sociale est géré par la CNSA, la gouvernance en sera différente avec une présence plus forte des associations de retraités, des collectivités locales et de professionnels du secteur. A priori, la CNSA permet une présence de la société civile et des acteurs concernés plus forte et équitable, il faut aussi poser la question de la réduction du poids de l'État dans la gouvernance
Le vieillissement et plus largement les pertes d'autonomie participe de la dynamique des services à la personne.
Or, il y a un triple problème de création et de qualité (en termes de formation et de rémunération) des emplois,de réalité économique (le secteur marche d'abord sur du dumping fiscal qui produit de l'inégalité) et de qualité des organismes (certification et suivi plutôt que norme ?), d'élargissement de l'offre et d'une politique des territoires.
D'une manière plus large se pose la question de la prévention et des politiques de soutien et d'accompagnement des personnes à domicile ou en établissement. Un élargissement de la protection sociale devrait s'accompagner d'une politique de santé centrée sur la prévention et l'accompagnement, autrement dit le care plutôt que la cure. Vous le savez, peut-être, je défends que le care et l'écologie politique ont partie liée.
Enfin, questionner les conditions du financement de la compensation à la perte d'autonomie conduit, je crois, à interroger la place des aidants informels, qu'ils soient familiaux ou bénévoles proche de la personne
Aujourd'hui, contrairement à ce qui est affirmé par un discours de plus en plus présent qui pousse à opposer "jeunes" et "vieux", une large part de l'aide aux plus âgés et réalisés par... les plus âgés. En fait l'aide rémunéré est plutôt le fait de jeunes et l'aide bénévole est le fait de seniors. L'âge moyen de l'aidant est de 64 ans. L'âge moyen de l'aidé est de 77 ans. Il s'agit de mettre en place une politique volontariste d'accompagnement des aidants pour éviter que ces derniers soient laissés à eux-mêmes mais aussi pour contrecarrer des discours faisant peser un poids moral sur les personnes au détriment d'une approche par la solidarité nationale.