Dans la chronique du mois dernier, j'avais cherché à mettre dans son contexte les enjeux du financement de la perte d'autonomie. Avant d'aborder ces enjeux, il importe de rappeler que l'élargissement du champ de la protection sociale ou l'instauration d'une "cinquième branche de couverture sociale" implique de penser en termes de solidarité collective et sociale, de faire société, de solidarité intergénérationnelle. Cette approche s'inscrit dans le droit fil des principes de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (article 13 : " Toute contribution est établie pour l'utilité générale : elle doit être répartie entre les contribuables, en raison de leurs facultés ").
Les enjeux du financement de la perte d'autonomie : le mode de financement (partie II)
Si l'on se focalise sur la création d'un "5e risque", cela conduit à passer par un système assurantiel, obligatoire ou non, et individualise l'approche. On s'inscrit dans une logique où les populations s'opposent les unes aux autres : les jeunes, les aisés, les personnes "en bonne santé", accepteront-ils toujours à payer pour les vieux, les pauvres, les malades ?
La création du 5e risque peut alors apparaître comme une voie pour permettre un financement centré sur l'assurance privée. Il peut être exclusif ou, plus sûrement, mixte : allocation publique en particulier pour les plus modestes, financement assurantiel privé pour les plus aisés. On parle de "socle de solidarité publique" accompagné par une participation du patrimoine de la personne aidée et appel à l'assurance privée. La question qui se pose concerne la situation des classes moyennes inférieures.
Si l'on pousse la logique jusqu'au bout, il est aussi possible de se contenter de laisser faire les familles : chacun se débrouille en fonction de sa situation. C'est la logique du libéralisme le plus primaire.
Premier enjeux de la réforme : le mode de financement
En premier lieu, le choix du financement pose la question des conditions de la mobilisation de la solidarité, des modes de récupération des financements (impôt, TVA, CSG, récupération sur succession...). Je note que l'une des premières décisions de Nicolas Sarkozy après son élection (et qui reste beaucoup moins médiatisé que le bouclier fiscal) fut de réduire considérablement les droits de succession amputant ainsi les recettes de l'État et ses possibilités de financer la solidarité nationale.
Le débat relève aussi de la volonté de ne pas accroître les prélèvements obligatoires (alors que dans un contexte de hausse du vieillissement cela peut paraître paradoxale) au nom de l'idéologie libérale et discours sur la nécessité de réduire le déficit de l'État. On notera que rendre obligatoire de s'assurer contre un risque revient bien à accroître dans les faits les prélèvements sur les personnes...
La question des assurances privées pose aussi le problème de la durée et du mode de cotisation. Surtout elle nécessite une éthique du remboursement et des prestations avec mise en place d'un tiers de confiance et la création d'un label émanent d'une autorité indépendante (CNSA par exemple). Le coût de cette assurance peut apparaître indolore si elle est prise très tôt (par exemple dès 40 ou 50 ans) mais avec le risque d'abord d'une attentionfaible sur son évolution et ensuite d'une difficulté à faire valoir ses droits 30, 40 ou 50 ans après qu'elle ait été contractée. On sait aussi combien une personne fragilisée peut avoir de difficulté à faire valoir son point de vue face à des professionnels aguerris capable de faire valoir la petite note en bas de page du contrat qui vient mettre à bas l'espoir de soutien...
Notons la tendance gouvernementale à faire peur, on parle de "tsunami gériatrique". Or, il s'agit d'une dépense (ou plutôt un investissement social et économique) de 21 Mds€ par an qui d'ici à 2040 devait passer à 30 Mds€. Des chiffres importants mais au regard de l'évolution économique attendue paraissent gérables.
Le mode de financement est l'un des enjeux majeurs, il n'est pas le seul. Suite au prochain numéro...