La question de l'élargissement de la protection sociale, nommée souvent 5e risque, n'est pas une problématique technique mais bien politique. Elle porte débat sur la société que nous souhaitons promouvoir : pour faire vite, une société fondée sur la solidarité individuelle et collective qui s'inspire des idéaux prônés par le Conseil National de la Résistance en 1944 ou une société de l'individu qui se fonde sur le paradigme de la compétition et de la performance.
Les enjeux du financement de la perte d'autonomie : quelques rappels (partie I)
Après la canicule de 2003, les rapports se sont succédé qui ont donné lieu à la création de la CNSA (financé sur la journée "de solidarité") qui gère les financements pour le handicap et la vieillesse, et au Plan Solidarité - Grand âge, initié en 2006. Différents rapports et missions se sont succédé récemment (Gisserot, Mariani/Vassel, Rosso-Debord). L'instauration d'un 5e risque participait des engagements de campagnes lors de la Présidentielle 2007 des trois candidats arrivés en tête au premier tour. Plus philosophiquement, on notera que l'enjeu n'est pas de prendre en charge une catégorie de personne mais bien de compenser une situation de désavantage physique ou psychique, par une politique d'accompagnement et de soutien. On retrouve ici la question du care ou de l'accompagnement social. Dans l'idéal, il s'agit de proposer un droit universel et personnalisé de soutien à l'autonomie.
Dépendance ou autonomie ?
Rappelons aussi que le conseil de la CNSA avait voté à l'unanimité un projet en 2008 portant sur l'instauration d'un "droit universel à l'autonomie". Par rapport au terme de "dépendance", qui est consacré par les textes actuels, la référence à "autonomie" ne relève pas de l'anecdote. Une société est faite de personnes conscientes de leur interdépendance. C'est même cette conscience qui fait société. Nous sommes tous dépendants de l'autre d'une façon ou d'une autre. En revanche, pour des raisons diverses et pour des situations variées, nous pouvons être en perte d'autonomie. On peut préférer le terme de "perte d'autonomie" qui implique que l'action extérieure peut compenser cette perte : en ce cas il s'agit de soutenir l'autonomie. La notion de dépendance est construite avec des normes se voulant neutres (principalement le référentiel AGGIR) sont par essence discutables et relèvent d'une volonté idéologique et de référent à des rapports de pouvoirs. Notons que la question de l'accompagnement de la perte d'autonomie est posée dans le champ public depuis le Rapport Laroque de 1962. Différentes allocations ont été mises en place. En 2001, est instauré l'APA (allocation personnalisée autonomie) réservé aux plus de 60 ans qui varie en fonction du taux de "dépendance" et des revenus. Elle concerne plus d'un million de personnes. Elle remplace la PSD peu utilisée en particulier parce que fonctionnant sur le principe de la reprise sur succession. L'APA a vu son ampleur croître pour passer des 170 000 personnes bénéficiant de la PSD à aujourd'hui plus d'un million de personnes couverts. Notons aussi que le développement de l'APA instaure une situation nouvelle, une sorte de "Département Providence". Si à l'origine les Conseils Généraux étaient fortement demandeurs d'assumer une partie du financement de cette allocation, pour des raisons de visibilité politique, la charge devient extrêmement lourde, en raison de la multiplication du nombre de bénéficiaires, mais surtout parce que les départements en finance aujourd'hui 75 %, contre 57 %, à l'origine. En sachant que le "contrat" tacite était un financement à 50/50 avec l'État. Le mois prochain nous aborderons les grands enjeux de cette réforme qui est aussi une formidable opportunité pour pousser la société française à penser la révolution démographique qui se déroule sous ses yeux.