Quelle sera la place des EHPAD publics dans les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) ? La création de ces nouvelles méga-structures sur les territoires suscite inquiétudes, interrogations mais également attentes positives du côté des syndicats représentant les directeurs d'établissements publics pour personnes âgées.
Les GHT sous la loupe des syndicats de D3S
La loi de modernisation du système de santé a créé la notion juridique nouvelle de Groupement Hospitalier de Territoire (GHT). Elle va obliger les établissements publics de santé d'un même territoire à se coordonner autour d'une stratégie de prise en charge partagée. Le calendrier est très contraint : au 1er juillet 2016, les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) arrêteront la liste des GHT. Chaque GHT doit définir un projet médical partagé, qui sera la pierre angulaire de la structure. La loi laisse le choix aux établissements médico-sociaux d'être ou non parties à la convention constitutive des GHT. Quelle place pour la prise en charge médico-sociale? Quelle participation pour les EHPAD publics? Les syndicats de directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S) - Syncass-CFDT, CH-FO et SMPS - ont chacun exprimé communément et séparément leurs attentes d'évolution du projet de décret relatif aux GHT. Ils attendent une clarification préalable de la répartition des responsabilités entre l'établissement support et les autres. Et que le projet médical partagé prenne en compte d'emblée le projet médico-social.
Le Syncass-CFDT
Pour le Syncass-CFDT, des " GHT XXL seraient une erreur ", les choix en région s'éloigneraient des orientations initiales, à savoir des projets sur lesquels bâtir des GHT à taille humaine centrés sur le parcours du patient. La participation des établissements médico-sociaux publics aux GHT présente "théoriquement de réels avantages, dont la consolidation des filières de prises en charge et des bénéfices potentiels de la mutualisation."
Le renforcement de filières, en amont de l'hôpital : les EHPAD souffrent souvent d'un accès insuffisant à l'hôpital, hors de l'urgence. La constitution de filières d'aval : les établissements médico-sociaux peuvent apporter une ressource précieuse en capacités de suite d'hospitalisation. Autre intérêt dans le parcours de soins des personnes âgées : le prolongement des pôles inter-établissements, évitant des hospitalisations et des déplacements d'usagers, et assurant des consultations de spécialités ou des prises en charge thérapeutiques possibles au sein des établissements médico-sociaux.
Sur le plan de la mutualisation, les EHPAD peuvent utilement bénéficier d'économies d'échelle ou de l'accès à des compétences techniques ou à une pharmacie à usage intérieur.
La rédaction de l'article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé est parfaitement claire. Elle impose un modèle intégratif, en transférant au directeur de l'établissement support certaines responsabilités majeures, critique le syndicat. "La question, toujours ouverte, d'un modèle coopératif ou fortement intégratif, en application de la loi, va ainsi conditionner les attitudes de leurs directeurs et de leurs conseils d'administration. C'est l'équilibre dans la gouvernance, dans la reconnaissance des compétences et des responsabilités qui pourra inciter les établissements médico-sociaux à participer à un GHT. Chaque directeur d'EHPAD doit reconnaître si ça l'intéresse ou pas. La priorité est d'éviter une démarche unique d'intégration forcée. Le projet de décret n'apporte pas toutes les précisions et la loi n'a pas tenu compte de toutes les spécificités des établissements médico-sociaux ", souligne Michel Rosenblatt, secrétaire général du Syncass-CFDT.
Le CH-FO
Le syndicat Cadres hospitaliers Force ouvrière (CH-FO) s'est déclaré, lui aussi, très attaché à "l'autonomie des acteurs du terrain comme principe d'action pour les GHT", et à "la participation volontaire du secteur médico-social". " Le CH-FO a toujours été favorable pour les coopérations entre le sanitaire et le médico-social. Mais nous sommes, pour l'heure, très circonspects et très inquiets car les GHT se construisent sur un modèle très intégratif. C'est la place pertinente donnée à la prise en charge médico-sociale, qui déterminera la participation des EHPAD. Parce que de nombreux établissements de santé comportent déjà une grande part d'activités médico-sociales, à prendre en compte dans le projet médical partagé, il doit être possible de donner leur juste place aux établissements médico-sociaux pour favoriser la continuité des prises en charge. Autrement, le petit EHPAD risque d'être noyé dans le sanitaire. Considérer le GHT comme outil de régulation et d'application du plan d'économies de 3 milliards d'euros dont plusieurs centaines de millions viendront impacter les établissements des secteurs de la gériatrie et des secteurs du handicap, de l'enfance ou de la réinsertion sociale serait une erreur", avertit Jean-Pierre Ouhlen, secrétaire général adjoint d CH-FO.
Le SMPS
Le Syndicat des Manageurs Publics de Santé (SMPS) s'est déclaré également favorable à une association étroite des établissements médico-sociaux, même non parties aux GHT, à la réflexion autour des filières d'organisation et de prise en charge. Toutefois, le syndicat, à l'instar du Syncass-CFDT et du CH-FO s'interroge sur l'"inconséquence" du calendrier fixé pour la mise en oeuvre des GHT. "La date du 1er juillet peut être conservée pour fixer la composition des GHT, adopter la convention constitutive et les grands principes du projet médical partagé. Mais le projet médical en lui-même doit pouvoir être adopté plus tard, afin de laisser aux acteurs des GHT le temps nécessaire à la réflexion commune."
"La question de la rémunération des D3S crée de véritables problèmes d'attractivité pour ce corps et de gestion prévisionnelle des postes dans les secteurs social et médico-social qui ne peuvent être ignorées, tant du point de vue de l'organisation des parcours des patients et résidents que de la charge de travail des collègues D3S qui assument la responsabilité de multiples établissements. La problématique n'a pas été prise en compte par la loi de modernisation du système de santé et les GHT qui excluent le médico-social alors qu'il existe un grave problème de structuration de l'offre dans ce secteur", regrette le SMPS.