Les groupes privés qui se sont profondément investis dans la conception et la gestion des EHPAD sont directement déstabilisés par la politique actuelle du gouvernement. Chacun recompose une nouvelle stratégie pour s'adapter aux nouvelles conditions économiques et réglementaires changeantes.
Les groupes privés commerciaux face à la crise
Le mouvement de concentration qui s'est opéré dans le secteur privé se poursuit et aurait même tendance à s'accélérer, car de nombreux petits groupes privés d'EHPAD ne peuvent plus réellement se développer par création de nouveaux établissements. La gestion au quotidien est difficile et les entités les plus grosses tirent évidemment mieux leur épingle du jeu.
Le marché national vit difficilement sa croissance entre un service public qui n'a plus d'argent et des collectivités territoriales qui ne savent comment boucler leur budget. Les groupes privés pour leur part se voient reprocher leur croissance par rachat d'établissements souvent obsolètes, ce qui est totalement injuste.
Trouver de nouveaux concepts d'hébergement
Face à un taux de remplissage des établissements qui n'est pas totalement satisfaisant, les gestionnaires s'interrogent sur la pertinence de construire des établissements haut de gamme alors que l'évolution du revenu moyen des Français n'est pas positive à long terme. Ce qui signifie qu'il faut trouver des solutions d'hébergement moins coûteuses, ce qu'a fait Korian avec son concept Korian Essentiel ou le groupe Le Noble Age qui entend obtenir des économies d'échelle en faisant passer les établissements de 90 lits à 125 lits.
Le reste à charge est la ligne Maginot qu'il ne faut pas approcher, encore faut-il correctement interpréter les évolutions de la société française, ce qui n'est pas simple dans une société en pleine récession économique et vieillissement accéléré.
Pour résister et continuer à croître les groupes empruntent plusieurs chemins : celui de la course à la taille critique est le plus spectaculaire. Ainsi la fusion DomusVi/Dolcéa a créé un acteur de poids face à Korian. D'autres fusions ou absorptions sont à l'étude. Le risque est de créer un déséquilibre important entre des groupes surpuissants et des indépendants ou des groupes de quelques établissements qui n'ont plus les moyens de se développer et dont la gestion devient de plus en plus difficile. Récemment, on a pu lire dans la presse la faillite d'un établissement pour personnes âgées. C'est un signe alarmant qui interroge sur les libertés que l'on laisse aux établissements pour fonctionner et se renouveler.
D'autres, leur taille aidant, peuvent faire appel au marché et orchestrer une augmentation de capital. La plupart revendent leur immobilier pour retrouver un peu d'air et pour investir sinon dans des EHPAD, du moins dans de nouvelles activités. Pour les petits, l'appel aux investisseurs est plus difficile sinon impossible dans le contexte actuel. Quant au crédit, cela devient mission impossible tant les établissements financiers sont tétanisés par la crise de l'endettement européen.
Quatre groupes seulement totalisent en France plus de 10 000 lits, lits d'EHPAD et d'établissements de soins (Korian 23 952 lits, Medica 15 177 lits, Orpéa 28 590 lits et DVD 14 510 lits), quatre groupes dépassent 500 millions d'euros de chiffre d'affaires, (Orpéa, Medica, Korian et DVD), 1 groupe plus de 200 millions (Le Noble Age) et un groupe plus de 100 millions d'euros (Colisée Patrimoine). Difficile d'exister pour un établissement indépendant sans ressources extérieures.
Échappées vers l'international.
La plupart des groupes ont déjà évolué vers une internationalisation de leurs implantations, ce qui permet de prendre le meilleur dans chaque pays et de mieux repérer les opportunités. Ainsi Orpéa est présent en Espagne, Belgique, Italie, Suisse ; Korian est en Italie et en Allemagne, Le Noble Age en Belgique, Maisons de Famille a des établissements en Italie, APlus Santé en Espagne, etc.
Diversifier vers des activités périphériques ou complémentaires
Les inflexions de stratégie amènent les groupes à s'intéresser aux cliniques de soins de suite et de réadaptation, et même aux cliniques psychiatriques. Pour d'autres ce sont plus les activités de loisirs, de soins ludiques pour une clientèle âgée mais aussi plus jeune.
Les réflexions se portent également sur les familles, les aidants, voire le maintien à domicile des personnes âgées et tous les services qu'une structure d'aide pourrait leur apporter.
C'est la voie suivie par Colisée Patrimoine Group qui a signé un partenariat avec Préfon pour à la fois réserver des places pour une clientèle bien définie mais aussi apporter un service à ceux qui sont encore à domicile et à leur famille. DVD prépare aussi des solutions d'aide et soins à domicile mais envisage d'équiper des logements grâce à la domotique pour favoriser le maintien à domicile tout en apportant le service de soins nécessaire grâce à la création de maisons de santé à proximité ou de télémédecine.
L'autre voie est de développer les résidences services mais en même temps une réflexion sur l'aménagement des logements pour les adapter au grand âge laisse un vaste champ ouvert aux innovations. Sans doute l'EHPAD isolé n'est-il qu'un concept transitoire qui laissera la place à des établissements diversifiés beaucoup plus connectés à divers modes d'habitat. L'avenir des personnes âgées reste à inventer.