Les heures supplémentaires et les conventions collectives en établissement donnent souvent lieu à constatations et conflits. La jurisprudence nous éclaire sur l'origine de ces conflits.
Les heures supplémentaires et conventions collectives en établissement
1. Les heures supplémentaires en établissement
Les faits
Une salariée a été engagée par un établissement relevant de la convention collective nationale des établissements médico-sociaux du 26 août 1965 relevant de l'union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux (UNISSS).
Elle a été licenciée en juillet 2008 et a saisi le Conseil de prud'hommes pour contester la rupture, mais également formuler des demandes en rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, de majoration pour amplitude horaire habituelle supérieure à 10 heures, et de prime de sujétion prévue par l'article 93 de la convention collective.
Les réclamations concernant les heures supplémentaires peuvent ne pas être faite pendant le déroulement du contrat de travail.
C'est souvent à l'occasion de la rupture que le salarié forme la demande, avec une prescription de 5 ans qui permet donc de réclamer paiement des heures sur un délai de cinq ans antérieur à la saisine de la juridiction.
Il y a plusieurs difficultés concernant ses demandes d'heures supplémentaires et il est nécessaire pour l'employeur de pouvoir établir que le salarié n'a pas fait de dépassement ou qu'ils ont été réglés sur les fiches de paye.
Le droit
La question de la preuve des heures est tranchée par le Code du travail qui précise que:
"En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. " (Art. L. 3171-4 du Code du travail)
La charge de la preuve n'incombe donc à aucune des parties en particulier.
Le salarié doit étayer sa demande avec des éléments précis.
L'employeur doit finalement répondre en fournissant la réalité des horaires effectués.
La Cour d'appel de BASTIA avait rejeté la demande en paiement de rappel de salaire effectuée par la salariée en indiquant que les pièces produites par la demanderesse qui se résumaient à un chiffrage des heures, dépourvu de toute explication ou justification, étaient insuffisantes.
La Cour de cassation, le 26 septembre 2012, a sanctionné cette décision de la Cour d'appel de BASTIA en considérant que la salariée avait produit un relevé des heures qu'elle prétendait avoir réalisées et que dès lors c'était à l'employeur de répondre en fournissant lui-même les éléments.
C'est une solution traditionnelle sur laquelle les employeurs doivent être particulièrement vigilants.
En quelque sorte, la charge de la preuve pour la salariée est limitée. La charge définitive de la preuve pour le chef d'établissement est primordiale.
2. L'application des conventions collectives dans les établissements
L'indemnité de sujétion spéciale
La Cour de cassation s'est saisie de l'interprétation de l'article 93 de la convention collective nationale des établissements médico-sociaux concernant l'indemnité de sujétion spéciale de 8,21%.
Cette prime est attribuée à tous les salariés couverts par la convention collective du 26 août 1965, à l'exception des directeurs, la prime étant équivalente à 8,21% de la somme du salaire brut annuel, hors toutes primes, et elle doit être versée mensuellement.
Il faut cependant appartenir au personnel soignant, dispensant de manière effective des soins médicaux et ne se limitant pas à la simple hygiène du corps, seule catégorie professionnelle ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité de sujétion visée par l'article 93 de la convention collective.
La réduction de la prime décentralisée
Le 9 juin 1986, l'association "Santé et Bien-être " avait recruté une salariée pour occuper un poste d'agent de service dans une maison de retraite.
La convention collective applicable était la convention nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, dite FEHAP.
En 2004, la salariée est victime d'un accident de travail et elle est placée en arrêt de travail jusqu'au 8 juillet 2007.
Elle reprend ensuite un travail à mi-temps, et enfin à temps plein en janvier 2008.
Ayant constaté que sur la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2007, l'employeur avait réglé une prime décentralisée réduite, elle a saisi le Conseil de prud'hommes pour réclamer le complément de la prime.
La Cour d'appel de Chambéry fait droit aux demandes de la salariée.
L'employeur conteste en faisant un pourvoi devant la Cour de cassation.
L'employeur, au soutien de son pourvoi, indiquait qu'aux termes de l'article A3.1.2, " le montant brut global à répartir entre les salariés concernés est égal à 5% de la masse des salaires bruts et, en cas d'absence du salarié pour cause de maladie, si elle inclut les allocations complémentaires que doit verser l'employeur en application de l'article L. 1226-1 du Code du travail et de l'article 13.01.2.4 de la convention collective, la base de calcul de la prime décentralisée exclut les indemnités journalières de sécurité sociale versées à un salarié malade ".
Mais la Cour de cassation va répondre en confirmant l'arrêt de la Cour d'appel de Chambéry.
La combinaison des articles de la convention collective FEHAP ne permet pas d'entraîner de réduction de la prime décentralisée quand les absences sont consécutives à un accident de travail.
Il n'y a donc pas lieu à réduire le salaire brut servant à l'assiette de la prime du montant des indemnités journalières servies par la sécurité sociale.
Textes de loi:
Article L.3171-4 du Code du travail : " En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. "
Cassation sociale 26 septembre 2012, n° 10-27508, Madame X c/ Association de Biguglia
Article 93 convention collective nationale des établissements médico-sociaux du 26 août 1965
Cassation sociale 26 septembre 2012, n° 10-24424. Association Santé et Bien-être
Prime décentralisée, convention collective 31 octobre 1951 FEHAP.