Le cadre réglementaire de l'accès direct et de leur prescription initiale dans les pathologies chroniques stabilisées n'est toujours pas paru 14 mois après l'adoption de la loi Rist 2.
Les infirmières en pratique avancée toujours en attente de leurs décrets
Pour rappel, la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite « loi Rist 2 » :
- Permet aux patients d'accéder directement, sans passer par un médecin, aux IPA (et masseurs-kinésithérapeutes) qui exercent à l'hôpital, en clinique, dans un établissement social ou médico-social ou, en ville, dans une maison ou un centre de santé ;
- Ouvre à titre expérimental, durant cinq ans et dans six départements, cet accès direct aux IPA libéraux exerçant au sein d'une communauté professionnelle territoriale de santé dans des conditions fixées par décret ;
- Autorise les IPA à prendre en charge la prévention et le traitement des plaies et à prescrire des examens complémentaires et des produits de santé, déterminés par décret et arrêté.
Objectif : faire face à la pénurie des médecins et améliorer l'accès aux soins.
Mais les médecins n'ont jamais désarmé, même après avoir réussi à réduire la portée de la proposition de loi Rist initiale. Et dix mois après, en février 2024, l'Académie nationale de médecine a même donné l'impression de rejouer le match.
La cible : la primo-prescription sous conditions de médicaments par les IPA. Le Dr François Arnault, président de l'Ordre des médecins, proteste dans le Bulletin de juillet-août « que la rédaction des décrets et arrêtés d'application semble ne pas respecter cet esprit de la loi et tente d'attribuer aux autres professions des compétences non prévues par les textes législatifs ».
Par ailleurs, dans un avis (consultatif) du 27 juin, mis en ligne le 30 juillet, la Haute autorité de santé (HAS) émet des réserves sur la prescription initiale de certains médicaments notamment dans le cadre du domaine d'intervention « pathologie chronique stabilisée » (traitements anti-hypertenseurs, hypolipémiants, ou hypoglycémiants, ndlr).
La HAS estime qu'« une primo-prescription sans diagnostic médical préalable, dans ce domaine, est incompatible avec la notion même de pathologie chronique stabilisée ».
C'est donc sans réelle surprise que les textes d'application n'ont pas été publiés « avant l'été » comme promis par le gouvernement avant la dissolution, les législatives et sa démission.
Réflexes corporatistes
« La pratique avancée est une chance ! Saisissons-la ! », proteste la Fédération nationale des infirmières (FNI) pour qui « la persistance des réflexes corporatistes [...] entrave cette mutation alors que la part de la population des plus de 75 ans ne cesse de progresser... et que les difficultés d'accès aux soins persistent ».
Depuis plusieurs mois, et ces dernières semaines avec plus d'intensité, la situation désespère les acteurs du secteur dont l'Union nationale des IPA (Unipa) pour qui les textes « sont victimes d'une inertie rarement vue jusqu'ici ». France Assos santé, la Fédération Santé et Habitat s'émeuvent aussi de ce retard. L'Association des Maires de France aussi : dans un courrier daté du 26 juin adressé à Frédéric Valletoux, son président David Lisnard met en avant les graves problématiques d'accès aux soins qui frappent certaines zones du territoire. « Ces décrets peuvent permettre à un plus grand nombre de citoyens d'accéder à une offre de soins de qualité en proximité ainsi qu'à une permanence des soins, compte tenu du maillage territorial des infirmiers, tout en conservant le rôle central du médecin traitant », fait-il valoir.