« Casser les codes de la mort et faire entrer la vie », telle est l'ambition des Jardins d'Haïti, une institution familiale marseillaise fondée dans les années 1950. Dans cette « maison à vivre », un tiers-lieu se crée, pour mieux accueillir résidents, personnel, familles et voisins du quartier.
Les Jardins d'Haïti : faire entrer la vie grâce au « tiers-lieu »
Laurent Boucraut, 39 ans, n'a pas le parcours classique d'un directeur d'Ehpad. En 2010, il prend la direction des Jardins d'Haïti à la suite de son père, de son grand-père et de son arrière-grand-mère, fondatrice de l'une des premières maisons de retraite de France dans les années 1950. « Une dame exceptionnelle », se remémore celui qui tout petit jouait avec le personnel et les résidents dans l'enceinte de cette vieille institution marseillaise. Une structure privée à but non-lucratif située au milieu d'un bloc d'immeubles d'un quartier populaire et qui accueille aujourd'hui 90 résidents et 50 salariés. « Il a d'abord fallu asseoir ma légitimité de directeur, pour ne pas être seulement le fils de », se souvient cet ancien prof de ski du Club Med', diplômé d'un master en management des établissements de santé.
Une « maison à vivre »
Les premières années, quand il pousse la porte de son Ehpad, il ne se sent pas très bien. « En 2015, j'ai eu besoin de prendre du recul et je suis parti une année en Australie », raconte ce passionné de surf. En découvrant l'hôpital de Melbourne où sa femme médecin exerce, il « hallucine » : l'établissement est joli, il y a une crèche, une salle de sport, de la bonne musique, c'est agréable d'y déjeuner... De retour à Marseille, il envisage d'installer une crèche aux Jardins d'Haïti et se laisse convaincre de se lancer dans un projet bien plus ambitieux de démolition-reconstruction. Son idée : créer une « maison à vivre », un lieu « sympa » pour les résidents et le personnel, « qui casse les codes de la mort » pour y faire entrer la vie, les familles, les enfants, les étudiants, les gens du quartier...
Plan d'aide à l'investissement (PAI) de l'ARS
En 2020, après quatre ans de travaux, le bâtiment ouvre ses portes. Il propose de grands espaces décloisonnés, à la décoration soignée, proche du style d'un hôtel. « Ils sont vieux, donc on leur met de l'accordéon et du formica : je crois qu'il faut sortir de ces schémas », prône ce directeur énergique, qui constate une recrudescence des visites des familles, plus longues en moyenne.
Le projet d'un montant global de 7 millions d'euros est financé à hauteur d'un million d'euros par un plan d'aide à l'investissement (PAI) de l'agence régionale de santé. Le tarif journalier (95 euros) a aussi été révisé à la hausse.
Les besoins du résident au centre
Fin 2021, Laurent Boucraut répond à un appel à projet de la CNSA et de l'ARS, sur la création de tiers-lieux, initié dans le cadre du plan d'aide à l'investissement prévu par le Ségur de la santé. Son dossier fait partie des 25 retenus sur les 365 audités. Il comporte plusieurs volets : l'aménagement d'un potager et d'un terrain de pétanque partagé avec le quartier, la création d'un appartement pour étudiants, l'ouverture du restaurant et du salon de coiffure aux voisins, un accueil en coworking gratuit, l'installation d'une bibliothèque-médiathèque, l'organisation de concerts... Ces projets, qui verront le jour courant 2022 grâce à une subvention de 119 000 euros, nécessitent du discernement, précise Laurent Boucraut, car l'objectif reste bien de toujours « se centrer sur les besoins du résident ».