Échanges d'informations, mises en commun, réflexion globale, les living lab européens se rencontrent pour mutualiser leurs connaissances.
Les living lab européens en soutien des pouvoirs publics
Les chutes des personnes âgées et leurs conséquences concernent tout le monde. Ce qui change en revanche, c'est la manière de les appréhender. Trois living lab, situés en France, au Danemark et aux Pays-Bas, ont choisi d'installer un dialogue pour partager leurs expériences[1].
« Lorsque nous avons commencé à développer notre living lab », explique Kevin Charras, qui dirige le living lab vieillissement et vulnérabilité au CHU de Rennes, « l'ambassade du Danemark a très vite manifesté de l'intérêt pour notre dispositif, et nous a proposé d'échanger avec le living lab de Copenhague dont l'approche est plus pragmatique que scientifique. Cela nous rend très complémentaires. Leur méthodologie consiste à tester des solutions en milieu réel, en fonction des besoins de terrain. L'équipe recueille toujours l'avis des usagers avant d'étendre le déploiement sur plusieurs sites. C'est après avoir obtenu confirmation de la pertinence de la solution que le living lab décide ou non de la conserver pour ses établissements. La particularité du living lab de Copenhague est d'être rattaché à une quarantaine d'établissements qui font partie de l'équivalent de ce que seraient nos CCAS. Les moyens sont donc un peu différents. »
Le living lab de Maastricht (Pays-Bas) est assez similaire au modèle français, dans la mesure où il repose sur un réseau d'établissements avec lesquels sont noués des partenariats pour expérimenter leurs dispositifs. C'est un lien université, hôpital et terrain.
« Cette question des chutes est assez récurrente dans les établissements français, très sollicités par les différents fabricants de dispositifs antichutes, ajoute Kevin Charras. On s'aperçoit pourtant qu'il existe peu de dispositifs de détection des chutes qui soient très efficaces. Nous sommes encore balbutiants. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'avenir dans ce secteur car les systèmes s'améliorent de jour en jour. Toutefois, les chutes molles, parmi les plus graves car évocatrices de syncopes, restent très difficiles à détecter car les personnes ne tombent pas d'un coup. Elles glissent souvent doucement le long d'un mur et se retrouvent au sol sans choc brutal. »
Un enjeu de survie important
Pourtant, de la prise en charge rapide dépend la qualité de vie voire la survie de la personne. « C'est une question d'heure, ajoute Kevin Charras. Plus on intervient rapidement moins graves seront les conséquences ». On sait aujourd'hui que plus une personne reste longtemps au sol, plus elle craindra de revivre cette expérience, limitant alors ses déplacements (lire l'article page 14). L'Ehpad de Domalain, près de Rennes (35) a investi dans les sols connectés, une innovation qui permet aux équipes d'être alertés dès qu'un résident chute.
Pour Soizick Genouel, sa directrice, il s'agit d'une innovation vertueuse. D'abord, ces sols sont invisibles du tout venant. « C'est important car cela permet aux résidents de se sentir "comme chez eux". De plus, ils se sentent en sécurité car ils savent qu'un soignant interviendra rapidement s'ils venaient à chuter, sans toutefois se sentir surveillés par une caméra. L'influence est très positive car ce dispositif permet d'ôter le frein principal, qu'est la peur, et les incite à continuer de marcher. La mobilisation via de l'activité physique adaptée et les aides techniques créent dès lors un cercle vertueux. »
Mieux vaut prévenir que guérir
Le célèbre adage trouve ici encore sa légitimité. « Les ergothérapeutes réalisent un travail formidable sur l'aménagement de l'environnement pour limiter les risques, ajoute Kevin Charras. Mais, en termes de prévention des chutes, l'activité physique est essentielle, que ce soit par des activités sportives (marche nordique, gymnastique douce, danse...) que de loisirs (visites de musée, d'exposition, de château, aller au cinéma ou au théâtre...). Il faut continuer d'impliquer les personnes dans leurs activités tant physiques qu'intellectuelles. Il ne s'agit pas juste de stimuler la personne au niveau de la cognition, mais bien de l'intéresser pour la stimuler et l'inciter à bouger. Bouger pour bouger n'est pas suffisant. Il faut réhabiliter le plaisir de le faire et développer l'éducation thérapeutique pour rendre les personnes les plus autonomes possibles. »
Mutualiser les connaissances
Enfin, et c'est bien là l'objet de la démarche des living lab européens, « il faut mutualiser les acquis, les découvertes, les financements », complète Kevin Charras. Nombreux sont les acteurs, publics ou privés, à tester des dispositifs antichutes. « Bien sûr les investissements doivent être rentables pour les groupes qui les développent mais les résultats sont trop peu partagés et on perd du temps. Certains établissements bénéficient de fonds publics. Nous estimons qu'il est de leur devoir de communiquer sur les actions et les observations réalisées. Nous avons tous le même objectif : améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Nous avons tous à y gagner. »