Les médecins coordonnateurs sont en ce moment l'objet de la « sollicitude » des députés. À l'insu de leur plein (mauvais) gré ? Sans aucun doute, tant leurs syndicats défendent le principe que la coordination n'est pas soluble dans le soin.
Les médecins-co dans les feux croisés (et contradictoires) de l'actualité
L'examen en première lecture à l'Assemblée nationale de la proposition de loi (PPL) « Bien vieillir » n'a pu s'achever le 13 avril dans les (courts) délais prévus et a donc été mis sur pause à son article 6. Or, un amendement de la majorité, adopté le 5 avril en commission des affaires sociales, y a introduit un article 11 bis indiquant d'abord que le médecin coordonnateur peut être... plusieurs ; ensuite, qu'il assure le suivi médical des résidents, pour lesquels il peut réaliser des prescriptions médicales ; et last but not least que le résident peut à son entrée en Ehpad désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant. « Grâce à la combinaison des fonctions de coordination et d'encadrement des équipes et d'une approche clinique, nous pourrions faire d'une pierre deux coups, et rendre aussi plus attractive la fonction de médecin coordonnateur, dont les Ehpad manquent grandement », a commenté le député des Deux-Sèvres, Bastien Marchive, qui a porté l'amendement. La députée Renaissance de l'Hérault, Laurence Cristol, co-rapporteure de la PPL et par ailleurs onco-gériatre à l'Institut du cancer de Montpellier, a applaudi la mesure se souvenant que « dans une autre vie », elle avait exercé des fonctions de médecin coordonnateur...
Aucune date n'a encore été fixée pour réinscrire la PPL à l'ordre du jour du palais Bourbon.
Deuxième PPL, celle visant à donner un « véritable droit de prescription » aux médecins coordonnateurs en Ehpad, déposée le 21 mars par Josiane Corneloup, députée LR de Saône-et-Loire et vice-présidente de la commission des Affaires sociales. Pour l'élue, le décret du 5 juillet 2019 portant réforme du métier de médecin coordonnateur est insuffisant : « il apparaît nécessaire d'aller encore plus loin et de donner au médecin coordonnateur d'Ehpad le statut de médecin traitant "prescripteur" pour les résidents qui le souhaiteraient », écrit-elle dans l'exposé des motifs.
Le texte n'est pas encore à l'agenda de l'Assemblée nationale.
La profession « refuse de disparaître »
Derrière l'affichage du « renforcement » des médecins coordonnateurs, le véritable aiguillon des deux propositions de loi est incontestablement la pénurie de généralistes libéraux. Quitte pour elles à chercher des solutions totalement à contrepied des demandes de la profession (voir encadré).
Car, ce même 21 mars, les Assises des Soins en Ehpad débattaient des médecins coordonnateurs. L'occasion pour leurs syndicats et associations d'indiquer leurs priorités. Et de clamer haut et fort dans une tribune collective : « La profession refuse de disparaître ».
« Il est ainsi nécessaire de mettre un terme à l'ambiguïté concernant le droit de prescription du médecin coordonnateur que l'on voudrait transformer en médecin traitant au détriment de la coordination, expliquent les président(e)s de la Ffamco, du SNGIE, du SMCG-CSMF, de Mcoor, du SNGC ainsi que le gériatre Jean-Marie Vétel : la coordination n'est pas soluble dans le soin ! » Pour les signataires, le pilier de la réforme à mettre en oeuvre est la création de deux contrats différents de médecin coordonnateur et de médecin traitant/prescripteur avec répartition de 11 missions de coordination pour le premier et de 4 d'accès aux soins pour le second. Les syndicats défendent depuis des mois cette position à la table des négociations avec la direction générale de la cohésion sociale.
Les médecins « embarqués »
Il est à cet égard intéressant de se pencher sur l'expérimentation d'un dispositif baptisé « Soutien à la prescription médicale en Ehpad » menée par l'agence régionale de santé Île-de-France (ARS IDF) dans près de 170 Ehpad volontaires. Elle y finance une vacation de médecin dit « prescripteur », en moyenne 0,20 équivalent temps plein, soit une journée, pour 22 à 29 résidents sans médecin traitant.
Cette expérimentation s'est accompagnée d'une évaluation pluridisciplinaire en partenariat avec le Conservatoire national des arts et métiers. Elle a donné lieu à un premier article[1] publié fin 2022 dans la revue Santé publique et titré « L'intégration de médecins prescripteurs en Ehpad : une amélioration de la qualité des soins perçue ». Les auteurs concluent que les médecins prescripteurs ne sont pas de simples « substituts » à des médecins libéraux car « leur rôle et leurs activités dépassent le cadre de la consultation ». Ils deviennent des « médecins embarqués » de l'Ehpad notamment grâce à un mode de rémunération de type capitation. Mais leur recherche, écrivent-ils aussi, soulève des questions comme l'incidence de la démographie médicale, le rôle des incitations financières, l'intérêt d'une rémunération forfaitaire...