Entre vieillissement de la population et engagement du gouvernement sur la dépendance, le secteur privé est l'un des rares à évoluer sur un marché en croissance. A peine affecté par les difficultés économiques de nos concitoyens, le secteur continue des mutations engagées au fil des évolutions législatives, tarifaires et sociétales.
Les mutations se poursuivent
Comparons les données transmises en ce début d'année par les groupes - du moins ceux qui ont bien voulu répondre à la demande désormais annuelle de Géroscopie -, à celles de janvier 2010.
En 2010, le mouvement de concentration s'est, sans surprise, poursuivi.
L'arrivée dans le paysage des ARS (Agences Régionales de Santé) et des appels à projet, la création ou l'extension des EHPAD change un peu la donne de la croissance organique aussi le développement international est l'outil privilégié de la croissance. La naissance de DVD, fusion de Dolcea-GDP Vendôme et Domus Vi, est l'un des exemples marquant de l'année. Avec 225 établissements en gestion (EHPAD/EHPA, SSR, résidences services), 16 500 lits EHPAD/EHPA, DVD s'impose comme le premier groupe privé d'accueil et de services aux personnes âgées en France. Le nouvel acteur projette un chiffre d'affaires de 600 millions d'euros en 2011 et de 670 millions en 2012... Parallèlement, Domus Vi a lui-même pris 37% du capital du groupe familial Emera. D'autres mouvements, plus discrets, apparaissent. En 2010, Korian a finalisé en France le rachat des établissements et des projets du groupe Seniors Santé (soit environ 1000 lits), et acquis un EHPAD proche de Toulouse. Partout les groupes privés sont à l'affut des établissements indépendants.
Sur ce marché porteur, on voit que chacun entend tirer son épingle du jeu. MEDICA affiche comme objectif de faire croître son activité de 10 % minimum en 2010 et d'au moins 45 % sur la période 2010-2012.
Pour beaucoup, la croissance passe par la case de l'international : Espagne, Belgique, Italie, Canada, et certains regardent la Chine avec intérêt. En Europe, le Groupe Maisons de Famille annonce 16 établissements en France mais en compte 25 en Italie, via sa filiale, " La Villa SPA " présidée par son partenaire Italien, Carlo Iuculano. Et Maisons de Famille promet en 2011 une forte accélération du développement, par croissance externe notamment en Europe. De son côté Korian continue de saisir toutes les opportunités de développement qui se présentent dans chacun de ses trois marchés d'implantation. En Allemagne, les 4e et 5e établissements de la génération 2010 ont ouvert le 1er juillet et le 8 octobre derniers à Idtsein et à Cologne, représentant 225 lits au total. En Italie, Segesta a repris en octobre l'aile SSR de l'hôpital de Garbagnate, à Milan, dans un projet innovant et pilote de partenariat avec le service public hospitalier.
Autre caractéristique de l'année 2010, la diversification de l'offre
Rares sont donc ceux qui restent des " pure players " de l'hébergement des personnes âgées dépendantes. Là où il y a quelques années, on préférait l'attentisme sur les résidences-services - cible floue, infrastructures coûteuses, rentabilité incertaine- la réflexion mûrit. Le parcours de vie est long, et la palette de prestations vaste : services à domicile, SSIAD, portage de repas, résidence-service, l'EHPA, accueil temporaire, prestations médicales avec les cliniques et établissements SSR (Soins de Suite et Réadaptation). Le secteur joue les synergies et s'oriente donc vers des activités où régnaient en maîtres le service public (CCAS) et le monde associatif. Une bonne façon pour lui de fidéliser sa clientèle sur le long terme. Des exemples ? Colisée patrimoine Group se lance dans le domaine sanitaire par le rachat d'une clinique SSR. En 2010, Dolcéa a développé 3 résidences agréments qualité (RAQ), pour offrir de nouvelles modalités de prise en charge des résidents. Les acteurs plus petits ne sont pas en reste. Le réseau Omeris s'inscrit depuis longtemps dans une logique de parcours de soins. Il a développé une présence forte dans le maintien et le retour à domicile. Il collabore avec un cabinet de soins infirmiers et s'appuie sur sa société de services à domicile Interdom. qui bénéficie des agréments " prestataire et mandataire ".
Pour développer ces marchés, le secteur a besoin de ressources
L'immobilier (cession des murs) en est une, les marchés financiers une autre. Les ressources sont d'autant plus nécessaires, que le public est désormais fait de consommateurs plus que d'usagers. Les exigences augmentent et les groupes privés doivent plus que jamais conjuguer rentabilité et qualité. Parmi les fers de lance de la qualité, le levier Ressources Humaines, donnée sensible sur un secteur à faible attractivité, les démarches de certification ou la poursuite de ces démarches. Pionnier dans ce domaine, Médica a fait école et petits et grands se plongent dans le sujet. En 2010, 72 EHPAD Orpéa ont intégré le processus de certification Qualicert (SGS). De son côté Résidalya déclare s'y préparer. La qualité, ce sera aussi, entre attentes des consommateurs et obligations, la rénovation des bâtiments existants, ou leur extension pour répondre aux besoins : PASA (pôles d'activités et de soins adaptés) et des UHR (unités d'hébergement renforcés) dans le cadre du Plan Alzheimer, accueil de jour, accueil temporaire, accueil de personnes âgées vieillissantes,... Il y a aussi les mises aux normes HQE (Haute Qualité Environnementale) et BBC (bâtiments à basse consommation énergétique) qui, prometteuses d'économie, imposent un surcoût dans les constructions.
Les besoins de cash sont élevés. Acteurs indispensables de la grande dépendance, pourvoyeur - entre autres- d'une offre haut de gamme qui trouve sa clientèle, les groupes privés séduiront-ils les investisseurs ?