Face à une dépendance accrue des résidents, à l'arrivée de nouveaux publics, à de plus fortes contraintes réglementaires, et une exigence de qualité, l'offre de formation destinée aux professionnels en Ehpad est en mutation.
Les nouveaux enjeux de la formation continue
Adapter les pratiques professionnelles, développer les compétences et la qualité d'intervention des équipes, faire évoluer les connaissances et les savoir-faire. La formation est devenue un enjeu stratégique pour les Ehpad. "Les directeurs ont pris conscience que la formation est un levier essentiel pour faire évoluer leur personnel. Même si les établissements n'ont pas tous lancé une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC), beaucoup réfléchissent à une évolution des besoins à moyen terme. Le plan de formation est construit, pensé en lien avec le projet d'établissement, la culture de l'Ehpad", analyse Florence Delorière, déléguée régionale Aquitaine UNIFAF.
Depuis 2005, les accords-cadres signés - derniers en date 2013-2015 - entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les organismes paritaires collecteurs des fonds de la formation professionnelle (OPCA) du secteur médico-social - UNIFAF (associatif), ANFH (fonction publique hospitalière), ACTALIANS (secteur commercial) et l'organisme de formation CNFPT (la territoriale)- sont axés sur la professionnalisation des équipes suivant les grandes orientations nationales (plan Alzheimer, plan de lutte contre la maltraitance, plan soins palliatifs...) et des recommandations de l'ANESM. "Les Ehpad territoriaux mènent un travail de fond pour professionnaliser leurs agents de catégorie C: aides-soignants, aides médico-psychologique, agents de services", explique Muriel Rousseil, responsable coordonnateur des politiques sociales d'Autonomie du service des pôles de compétences Solidarité, Cohésion Sociale et Enfance de l'Institut national spécialisé d'études territoriales (INSET).
Développer une culture gérontologique
Dans le secteur, priorité a été donnée ces dernières années à la formation d'assistants de soins en gérontologie, à la culture de la bientraitance, à l'accompagnement de la fin de vie. Ainsi, à l'heure où les Ehpad sont confrontés à 20 décès par an en moyenne, 80% d'entre eux ont mis en place des formations en direction des infirmiers, et 82% d'entre eux ont organisé des formations destinées aux autres soignants, selon la dernière étude de l'Observatoire national de la fin de vie.En revanche, un médecin coordonnateur sur cinq (21%) n'a aucune formation à l'accompagnement de la fin de vie. "Dans la fonction publique hospitalière, les établissements ont mis l'accent sur la professionnalisation de la fonction animation et celles des fonctions hôtelières afin d'améliorer le service aux résidents ", note Sylvie Tekpo, déléguée régionale Poitou-Charentes de l'ANFH.
Du côté des OPCA du secteur comme de la CNFPT, on note aussi une plus forte demande des Ehpad pour des formations destinées aux infirmiers référents ou coordinateurs. Même si pour l'heure, ces IDEC n'ont aucun référentiel métier précis. "L'obligation de développement professionnel continu (DPC), une fois par an, a permis d'engager des actions collectives de formation, une évaluation des pratiques et un suivi de leur mise en oeuvre pour les équipes soignantes.Toutefois, dans les demandes de formation, on sent que les Ehpad veulent diffuser une culture gérontologique et du vieillissement à l'ensemble des équipes et non plus seulement aux soignants ", note Florence Delorière, déléguée régionale Aquitaine UNIFAF.
Prévenir les risques professionnels
La thématique de la prévention des risques professionnels devient fortement prioritaire pour les directeurs d'établissement. La lourdeur des pathologies physiques et psychiques prises en charge, la parcellisation des tâches, les rythmes de travail génèrent dans les équipes une usure professionnelle. Au-delà de l'obligation légale d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de leurs salariés, les Ehpad voient dans ses formations à la prévention des risques professionnels, un moyen de réduire le turn over, l'absentéisme, les risques de maltraitance, et d'améliorer l'attractivité du secteur en terme de recrutement. "Les passerelles entre métiers, qui prendront appui sur de la formation qualifiante et diplômante, seront à structurer à grande échelle pour améliorer les conditions de travail", souligne une étude de l'Observatoire prospectif des emplois, des métiers et des qualifications de la branche professionnelle de l'hospitalisation privée sanitaire et médico-sociale à statut commercial. "Dans le secteur associatif, la moitié des salariés ont aujourd'hui atteint ou dépassé 45 ans.Le nombre de licenciements pour inaptitude est important. La question de la gestion de la deuxième partie de carrière, va monter en puissance dans les 2/3 ans à venir", insiste Florence Delorière, déléguée régionale Aquitaine UNIFAF.
Adopter la logique de parcours de soins
Une autre thématique de formation grimpe en flèche, celle de la prise en charge de nouveaux publics dans les Ehpad. Ainsi, l'admission de personnes handicapées vieillissantes et de résidents présentant des troubles psychiatriques conduisent les établissements à devoir repenser la prise en charge, réinterroger leurs pratiques, l'organisation du travail et à renforcer la collaboration avec le secteur du handicap ou le secteur psychiatrique ou l'aide à domicile. L'heure est au décloisonnement. Comme le souligne le Plan pour les métiers de l'autonomie, lancé en mars 2014, l'enjeu à venir est le croisement des compétences entre le médico-social, le sanitaire et le social. Les professionnels en Ehpad vont devoir connaître les modes d'intervention des autres structures et travailler en coordination dans une logique de parcours de soins des personnes âgées et handicapées. Une révolution pour les cultures professionnelles.