La loi d'adaptation de la société au vieillissement, adoptée en décembre 2015, devait être le premier acte d'une réforme plus ambitieuse s'attaquant au dossier délicat du financement de la dépendance. Une promesse électorale réalisée maintes fois, reportée d'autant, pour être ensuite abandonnée. Qu'en disent aujourd'hui les candidats à l'élection présidentielle ?
Les personnes âgées dans la campagne
La reconnaissance des enjeux sociétaux et l'accent mis sur l'adaptation de la société au vieillissement et la prévention sont deux axes majeurs pour renouveler la politique vieillesse en France. Cependant, on retrouve là les échecs des précédentes tentatives où les choix stratégiques et les réformes de structures étaient occultés par le poids du financement public de la dépendance dans un contexte contraint.
Les Français conscients des enjeux de l'autonomie, en attente d'une réforme durable
Les Français disent préférer, et de loin, le maintien à domicile en cas de perte d'autonomie, mais ils sont lucides sur les limites du rôle de l'entourage familial et sur le coût élevé des services du maintien à domicile et de l'accueil en établissement médicalisé. Attachés au principe de solidarité nationale mais conscients des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, ils sont favorables à des solutions mixtes, associant un socle public et des assurances, produits d'épargne, nouvelle journée de solidarité, cotisations sociales, recours sur succession. Les 2/3 des français souhaitent que la question du financement durable de la dépendance soit au menu des réformes du prochain quinquennat...
Que proposent les candidats ?
- Quel financement de la dépendance ?
En cohérence avec son objectif stratégique de réduction des dépenses publiques, François Fillon exclut toutes dépenses supplémentaires et propose une assurance privée volontaire avec incitations fiscales. Cette mesure provoque une quasi-unanimité contre elle : elle concerne seulement la moitié des Français assujettis à l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, il n'est pas certain que les incitations fiscales puissent produire réellement leur effet tant est faible la propension des Français, et en particulier des seniors, à souscrire une assurance individuelle sur la base de l'offre du marché même labellisée.
A l'opposé, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon proposent un financement public (via l'impôt et les cotisations sociales) : création d'un 5ème risque au sein de la sécurité sociale (5ème branche) pour la première, intégration de la prise en charge de la dépendance dans la branche santé pour le second. Benoit Hamon quant à lui adopte une position mixte : financements publics et généralisation d'une assurance dépendance inclue dans les garanties des complémentaires santé et prévoyance, comme le proposent déjà certains opérateurs du marché (dont des mutuelles et assureurs). Nicolas Dupont-Aignan prône un plan de financement public de 5 Mds d'€ sur le quinquennat : 3 Mds d'€ d'économies réalisés sur les dépenses santé et en particulier les hospitalisations évitables, et 2 Mds d'€ grâce à la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Si Emmanuel Macron affirme que le vieillissement est un défi majeur, il ne propose toutefois, en dehors du volet santé, aucune solution de financement de la dépendance.
- Comment réduire le reste à charge de prise en charge en établissement ?
Nicolas Dupont-Aignan prône la définition d'un plafond de dépenses par foyer fiscal, au-delà duquel le relais est assuré par un financement socialisé. Jean-Luc Mélenchon promet une réduction de 500 € du reste à charge et la création sur 5 ans de 50 000 places médicalisées dans le secteur public habilité à l'aide sociale. Sans donner de chiffres, Benoit Hamon propose la création de places dans tout le secteur non lucratif (public, associatif et ESS). Yannick Jadot est pour la création de places réparties également dans le public et dans le privé. L'objectif est de réduire le reste à charge de l'hébergement en établissement médicalisé qui pèse essentiellement sur les résidents et leurs proches.
- Comment favoriser la prévention et le maintien à domicile ?
Jean-Luc Mélenchon prévoit une augmentation de 50% de l'APA domicile financée par l'impôt et les cotisations des plus aisés. Pour aider les personnes âgées dans leur vie quotidienne, Marine Le Pen et François Fillon comptent mobiliser les jeunes engagés en service civique et les bénévoles associatifs. Nicolas Dupont-Aignan se distingue par son approche globale de la prévention : mise en place d'une consultation médicale régulière, meilleur suivi des patients chroniques, développement des soins libéraux, télémédecine, HAD, TVA réduite sur les travaux d'adaptation des logements.
Chez les autres candidats, on trouve des propositions plus ou moins articulées : prévention de la perte d'autonomie grâce au financement de la recherche sur la maladie d'Alzheimer, au maintien le plus tard possible de l'activité professionnelle et à défaut, d'une activité bénévole des retraités en soutien des jeunes entrepreneurs pour François Fillon ; prise en charge des activités sportives et physiques sur prescription médicale pour Benoit Hamon. Emmanuel Macron insiste sur le renforcement du maintien à domicile et la création de maisons de répit aidants/aidés. Enfin, il propose un plan d'investissement de 5 Mds d'€ en faveur de l'innovation médicale (médecine personnalisée, télémédecine...).
Que faut-il retenir des propositions des candidats ?
Ce qui frappe, c'est la grande hétérogénéité des propositions, parfois irréconciliables, des candidats, mais aussi l'inégalité de leur pertinence au regard des enjeux et des besoins, le manque de réalisme flagrant de certains, d'envergure, voire d'intérêt pour d'autres.
Les chiffres sont connus, les analyses des tendances et les évaluations des ressources nécessaires largement débattues et partagées depuis 2011. La croissance prévisible des charges financières de la dépendance exige de définir dès maintenant de nouveaux leviers de financement et d'arbitrer entre les contributions de la protection sociale, de la solidarité nationale, du marché et des ménages. Compte tenu de la faiblesse de la croissance des recettes de la Sécurité sociale qui limite d'autant celles de l'ONDAM médico-social, du niveau des déficits et de l'endettement publics et de l'état des finances locales, fortement impactées par les dépenses d'APA, il est peu réaliste d'espérer une augmentation conséquente du financement public de la dépendance.
Les baby-boomers, quel avenir commun ?
L'enjeu n'est pas seulement financier, il est aussi sociétal. Quelles sont les nouvelles offres de services pour répondre aux besoins et aspirations d'une nouvelle génération, celle du baby-boom, qui avait 20 ans en 1968, et qui arrive aujourd'hui à la séniorité en ayant fait massivement l'expérience de la dépendance de ses parents ? Cette génération de seniors saura-t-elle anticiper son entrée à partir de 2025 dans le grand âge en optant pour la prévoyance individuelle ou mutualisée ou comptera-t-elle sur son épargne et son patrimoine immobilier ? Pèsera-t-elle sur ses enfants, moins bien lotis ou s'en remettra-t-elle au prélèvement contraint (protection sociale, solidarité nationale) au risque d'influer sur la compétitivité des entreprises françaises et l'avenir des jeunes générations ?