Annoncer ou pas les décès en Unité Alzheimer, vaste débat ! Pourtant seule l'émotion rend le deuil possible. Explications du docteur François Bonnevay
Les personnes désorientées aussi ont le droit de pleurer
Faut-il annoncer les décès aux résidents désorientés ? A cette question, le docteur François Bonnevay répond par un oui énergique. C'est autour du droit aux émotions, que le Responsable de l'Unité Alzheimer du Centre Hospitalier Intercommunal Marmande Tonneins (CIHMT) prône une prise en charge globale du résident. Parce que le droit aux émotions, c'est le droit à la vie.
Pour commencer, le médecin pointe une contradiction. " Les personnes désorientées entrent en Unité Alzheimer par la grande porte, souligne-t-il. On leur présente l'équipe, les autres résidents, les lieux. Pourquoi après six mois, un an, deux ans de vie commune, ces mêmes personnes sortiraient-ils en catimini par la porte de service ? Ici on ne cache pas les décès, même en unité Alzheimer. " Aussi depuis l'ouverture, il y a dix ans, de cette unité de 25 lits, un cérémonial est en vigueur. " Quand un patient décède, raconte le médecin, sa dépouille traverse l'unité, à visage découvert. Elle s'arrête dans le lieu de vie central, où ont lieu les repas et les activités. Là, nous annonçons le décès puis proposons un moment de recueillement. Cacher le décès signifie que l'on disparaît de cet endroit sans raison, sans explication. C'est inadmissible. " Pendant quelques jours, la photo du défunt est posée dans le lieu de vie, éclairée par une bougie.
Il a fallu toutefois un peu de pédagogie pour convaincre les familles de la démarche. Certaines craignaient que la nouvelle, la vision du corps inerte, les larmes, ne traumatisent leurs parents. " Si on nie la capacité de la personne désorientée à éprouver de la peine, on nie sa capacité à éprouver de la joie, argumente le Docteur François Bonnevay. Cette approche est contraire à notre philosophie de prise en charge, qui est fondée sur le plaisir. Ainsi nous cherchons, en nous adaptant aux souhaits des résidents, à pacifier tous les moments de la journée : réveil, toilette, repas, heure du coucher. "
Chacun ici a donc le droit à la gaité comme à la tristesse. D'autant que pleurer ne traumatise pas. Au contraire... " Dans un fonctionnement cognitif altéré, la raison n'a pas de prise, poursuit le médecin. L'émotion apparaît comme la voie efficace pour inscrire l'événement dans l'esprit de la personne désorientée. Quand les résidents ont entendu l'annonce, quand ils ont pu pleurer, ils ne cherchent pas les défunts ensuite. " Et de citer l'histoire édifiante d'un couple de résident de l'Unité Alzheimer : devant la dépouille de son mari, la femme désorientée a nié le décès, prétendu que son conjoint dormait. Après l'annonce " officielle " du décès et le recueillement, la résidente n'a pas demandé ce que son mari était devenu.
A noter que pour le Docteur Bonnevay, cette transparence vaut également pour le domicile. Si la personne touchée par une altération cognitive assiste à la cérémonie, va au cimetière, elle peut faire son deuil.