Le baromètre sur les « Fractures françaises »(1), permet de suivre l'état d'esprit des Français, année après année. C'est une source inestimable de connaissances sur l'état d'esprit du pays et ses évolutions.
Les seniors ne regardent pas dans le rétro !
En regardant l'étude avec des lunettes centrées sur l'âge, voyons si les seniors sont plus focalisés sur le passé que les jeunes générations. Et plus généralement, voyons si les représentations portées par les seniors sont bien plus anxiogènes que celles de leurs cadets. Une réponse positive viendrait confirmer combien une France qui prend de l'âge a tendance à regarder dans le rétroviseur. Cela viendrait confirmer ce regard dévalorisant l'âge dont le grand démographe Alfred Sauvy fut dans l'époque contemporaine l'initiateur. L'inventeur, en 1928, de la notion de vieillissement démographique a toujours soutenu que le vieillissement de la population est ennemi du progrès (cf Richesse et population, 1943 et Des Français pour la France. Le problème de la population, avec Robert Debré, 1946).
Le progrès, un bienfait ?
Première réponse, l'étude fait apparaître que 51 % de la population pense qu'en dépit de soubresauts, « la société et l'humanité évoluent vers toujours plus de progrès ». Si les plus pessimistes sont les employés (44 %) et les moins de 35 ans (43 %), les cadres sont 58 % de cet avis, les plus de 60 ans, 61 %, et les retraités 63 %. Les seniors sont d'incorrigibles optimistes !
On connaît l'expression « c'était mieux avant », et bien sûr les plus âgés sont suspects d'y adhérer plus que les autres... Cela a toujours été ainsi me direz-vous ? Pourtant, si 69 % de la population le pense, les plus de 60 ans ne sont que 66 % de cet avis. Contre 74 % des moins de 35 ans. De même, 72 % de la population déclare s'inspirer de plus en plus dans sa vie des « valeurs du passé ». La nostalgie a de beaux jours devant elle... Ce qui apparaîtra logique à tous ceux qui associent vieillissement et marche arrière. Sauf que les moins de 35 ans sont 74 % à s'inscrire dans cette optique, contre « seulement » 71 % des plus de 60 ans. C'est donc les plus jeunes qui sont les plus majoritaires à trouver que le monde ne roule pas dans le bon sens...
Le pessimisme n'a pas d'âge...
Depuis le mitan des années 1970, avec la première crise économique de l'après-guerre qui va clore les Trente Glorieuses, la société française se montre singulièrement pessimiste. Seulement 43 % d'entre nous se dit que l'avenir de la France est « plein d'opportunités et de nouvelles possibilités ». Le score tombe à 38 % chez les 35-59 ans et remonte à 52 % du côté des seniors.
Ce pessimisme s'appuie sur un sentiment très largement partagé de défiance et de pénurie de liens sociaux. Le manque de liens apparaît comme un fait social majeur, la défiance envers les institutions, mais aussi vis-à-vis de « l'autre » anonyme et inconnu, constitue une réalité structurante du pays. Depuis 2013, date de la mise en oeuvre de l'étude sur les « Fractures françaises », l'item « On n'est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres », se situe toujours entre 77 et 80 %... Seulement 18 % des ouvriers et des employés exprime que l'« on peut faire confiance à la plupart des gens », contre 34 % pour les cadres et 29 % pour les retraités.
Là, encore, les seniors créent la surprise. Du moins pour ceux qui continuent de regarder l'âge avec des lunettes idéologiques parfaitement dépassées...