S'il n'existe pas en France d'étude sur les bienfaits des jardins thérapeutiques, leur efficacité est pourtant reconnue sur les résidents. Mais les soignants, professionnels fortement touchés par le burn out, peuvent aussi s'y ressourcer, y trouver paix et sens à leur mission.
Les soignants, comme les résidents, en profitent aussi !
Nathalie Joulié Morand, directrice développement de la société Terramie, associe la création des jardins thérapeutiques à la formation des soignants pour l'utilisation de cet outil très particulier.
Quels sont les effets des jardins thérapeutiques ? Y a-t-il des études médicales ?
Des études dignes de ce nom, il y en a aux Etats-Unis, au Canada et en Australie mais pas en France. Le Jardin a des effets apaisants et améliore la qualité du sommeil, c'est la première chose qui apparaît, ainsi qu'une réduction des violences notamment pour les personnes atteintes d'Alzheimer ou maladies apparentées. Sur bon nombre d'établissements, beaucoup nous disent qu'ils constatent une baisse de la prise médicamenteuse, notamment des anxiolytiques.
Les professionnels qui sont souvent " en surchauffe " peuvent-ils en faire leur profit en accompagnant les résidents et à quelles conditions?
Bon nombre d'établissements ont un espace naturel qui souvent n'est pas utilisé. Nous intervenons pour transformer le jardin en véritable outil. Comme il y a une salle de kiné, il y a une salle à l'extérieur qui s'appelle le jardin thérapeutique.
Avant de réaliser un jardin, la première chose dont on se préoccupe est de savoir si les soignants sont motivés par l'emploi de ce jardin. S'ils ne le sont pas, ils n'en feront rien. Si au sein de l'équipe plusieurs personnes disent " moi j'aimerais bien sortir les résidents au soleil, qu'ils mettent les mains dans les fleurs..." alors cela veut dire que ces soignants ont compris que l'espace naturel et l'extérieur peuvent aider les personnes qu'ils accompagnent. Il faut co-construire avec eux le jardin, et avec les résidents. A partir de là quelque chose de différent s'installe entre le soignant et la personne âgée. Autour d'une table on peut parler d'une façon libre et responsable. La personne hébergée peut s'exprimer, parler du jardin qu'elle avait et faire part de tout ce qu'elle a imaginé. Ensuite nous formons les soignants à l'usage du jardin, et travaillons sur la cohésion de l'équipe pour pouvoir l'utiliser au mieux et qu'il soit un outil pérenne.
Chacun peut dire comment il aimerait l'utiliser : certains en fin de matinée, d'autres dans l'après-midi ou plutôt à la fraîche le soir. Le projet se construit, chacun prenant sa part. On va leur donner des outils pour qu'il y ait transmission de ce qui s'est passé au jardin. En jardinant avec les personnes, ils vont leur laisser plus de liberté, liberté de marcher, de cueillir des fleurs, de bêcher, de planter, d'arroser ou pas.
C'est un autre rapport avec les soignants et c'est à ce moment-là que la bienveillance et l'accompagnement au sens noble peuvent s'instaurer. Le résident n'est plus dans un rapport contraint et difficile (générateur de burn-out pour le soignant): se lever, faire la toilette, déjeuner, mais dans un moment de paix. Le jardin crée cette atmosphère et le soignant renoue enfin avec le coeur de son métier : accompagner un être humain, avec ce qu'il est, sa maladie, sa mémoire, ses histoires, ses fragilités. Le jardin permet un accompagnement en bienveillance (on ne force rien) : on est juste " à côté " et on partage le moment, le jardinage, une tisane avec la menthe coupée dans le jardin, une émotion...
Est-ce que cela suppose de faire des changements dans l'organisation ?
Nous pensions que le manque de temps et les changements associés seraient un vrai problème. En fait on se rend compte qu'à partir du moment où le directeur de l'établissement a accepté d'aménager ce jardin, tout se met en place comme par enchantement. Il a compris qu'il pouvait employer cet outil dans l'axe de son projet d'établissement, à certains moments de l'année, et le plus régulièrement possible dans l'année. Il va faire des choix : utiliser l'espace snoezelen en hiver et le jardin au printemps.
Il peut y avoir différents moments pour profiter du jardin : le matin de bonne heure : une sortie de 5 minutes peut suffire pour le reste de la journée. A d'autres moments la sortie dure toute l'après midi: on installe un jeu de boules, partage une tisane, accueille les enfants de l'école voisine. On module l'emploi du jardin. On début on y consacre de petits moments et ensuite les moments s'étendent et les personnes sont de plus en plus demandeuses.
Il y a aussi pour les soignants des moments spécifiques au jardin, uniquement entre eux. Réaliser leur réunion de travail sur la terrasse, faire la pause cigarette, parler avec les familles pour leur expliquer tout ce qu'on va pouvoir y faire.
Vous donnez des pistes aux soignants pour s'approprier le jardin ?
Nous avons une vingtaine de modules de formation uniquement axées sur l'emploi du jardin. Beaucoup de nos jardins sont rattachés à une unité Alzheimer. De ce fait ces personnes sortent seules. Nous avons l'exemple d'une personne qui commettait des violences verbales et physiques au crépuscule et qui sortait et déambulait seule dans le jardin. Une fois sa promenade terminée, elle revenait apaisée.
Proposez-vous des jardins innovants, comme des murs végétaux ?
On propose un mur végétal, en bois traité et on demande aux gens de planter eux-mêmes leurs propres végétaux. C'est très agréable à caresser pour les résidents atteints d'Alzheimer. Nous avons été extrêmement surpris de voir des gens très inactifs qui tout à coup prenaient la pelle et retrouvaient les gestes qu'ils avaient quand ils jardinaient chez eux. Un jardin peut être occupationnel, réminiscent, sensoriel, stimuler une discussion et améliorer la socialisation entre résidents, améliorer la relation entre une personne et sa famille, et avec les soignants.
Les directeurs ont souvent une crainte quand on mélange les deux publics (autonomes et malades d'Alzheimer) mais en fait dans la pratique le jardin est un endroit neutre où il n'y a pas de référence aux soins ou au médical.