Malgré un frémissement en 2023, les taux d'occupation des Ehpad sont loin des 93,4 % enregistrés au 3e trimestre 2019. Le think tank Matières grises publie une note d'analyse sur les raisons et les conséquences de leur baisse et propose des solutions en attendant 2028.
Les taux d'occupation des Ehpad peinent à remonter la pente
Le think tank Matières grises a rendu publique le 22 octobre une Note d'analyse sur l'évolution des taux d'occupation (TO) des Ehpad entre 2019 et 2023 en s'appuyant sur les statistiques disponibles de la CNSA, les résultats des enquêtes de la Fédération hospitalière de France (FHF) ou les témoignages de ses opérateurs adhérents.
Elle confirme que les TO ont fortement chuté au moment de la crise sanitaire de 2020 sans retrouver quatre ans plus tard leur niveau de 2019. Ils ont diminué d'environ 5 points passant de 93% à 88% ou, pour être plus précis, de 93,4% fin 2019 à 88,8% au 3e trimestre 2023 - dernière statistique connue.
Combien coûte un point de TO ?
Pour un Ehpad habilité à l'aide sociale dont le coût moyen est de 63,50 euros en 2023, une pleine occupation (100% sur 365 jours) engendre une recette annuelle de 23.177 euros par place. Un seul point de TO de moins abaisse ce chiffre d'affaires (CA) à 22.945 euros soit une perte de 232 euros/lit/point de TO. Ramené à un établissement d'une capacité moyenne de 81 lits, ce point de TO perdu représente une baisse de CA de 18.792 euros.
Même démonstration pour un Ehpad non habilité où le coût moyen est de 95,60 euros en 2023. Une baisse d'un point de TO représente une perte de 349 euros par lit soit 28.269 euros pour un établissement de 81 lits.
Les recettes issues des forfaits dépendance et soins ne sont pas affectées par ces fluctuations de TO... sauf si les autorités de financement décident d'appliquer la minoration prévue par les textes en dessous d'un TO de 95%.
De fortes disparités régionales
Les régions Ile-de-France, Hauts de France et Auvergne Rhône Alpes ont été les plus touchées avec des chutes de 5 à 7%. Elles ont pour points communs d'être parmi les plus peuplées, mais aussi, pour les deux premières, parmi les plus impactées par la crise sanitaire.
A contrario, la Nouvelle-Aquitaine, l'Occitanie, le Centre Val de Loire et les Pays-de-la-Loire sont les régions où la baisse a été la moins brutale. Elles ont subi la seconde vague de contamination mais ont été relativement épargnées par la première vague.
Des situations très liées au statut juridique
Jusqu'ici seule l'ARS Ile-de-France a publié des statistiques par statut juridique.
Elles montrent que les TO du privé commercial se situent à 83% contre 85% tous statuts confondus. Si le privé à but non lucratif confirme qu'il a été moins percuté par la baisse (8 %), le secteur public vit des situations différentes : plutôt correctes pour le public autonome ou le public communal ; bien moins enviables pour le secteur public hospitalier qui, avec 81%, connaît en Ile-de-France le niveau de TO le plus faible. Les données de la région Auvergne-Rhône-Alpes confirment ces tendances lourdes.
Les 7 raisons de la baisse
Il s'agit de comprendre les dynamiques qui jouent sur les entrées et les facteurs qui expliquent le rythme des sorties.
Du côté des entrées, la note d'analyse en distinguent cinq :
- L'effet Covid / Un ralentissement durable des admissions ;
- L'effet réputationnel / « Les Fossoyeurs » ;
- L'effet démographique / La stagnation des 85 ans et + ;
- L'effet du virage domiciliaire / Ma Prime Adapt + Saad + RSS ;
- L'effet « turn-over » des directrices et directeurs
Du côté des sorties, deux :
- L'augmentation du nombre de décès et la baisse des durées moyennes de séjour (entrée en Ehpad plus tardive);
- L'effet pouvoir d'achat / La cherté pour les familles ;
Quelles solutions en attendant la reprise démographique
En attendant l'explosion démographique attendue dès 2028, un certain nombre de mesures simples et rapides à mettre en place peuvent être prises par les pouvoirs publics pour soutenir l'activité des Ehpad affirme le think tank : décloisonner les places hébergement temporaire / hébergement permanent ; positionner l'Ehpad comme offre d'urgence et de sortie d'hospitalisation ; rendre publics les rapports d'évaluation et d'inspection ; améliorer l'accessibilité financière des Ehpad ; suspendre la minoration (autrement dit la réfaction) des forfaits dépendance et soins en cas de TO inférieur à 95%