De plus en plus vos discours, textes et autres analyses tendent à opposer les "jeunes" aux " vieux " (ou aux seniors si vous préférez). A chaque fois, il s'agit de poses réductrices et discutables. Petit bréviaire
Lettre ouverte à ceux qui s'amusent à opposer jeunesse et vieillesse
D'abord, cette approche pose un problème de méthode : on fait comme si les jeunes représentaient une entité unique et comme si tous les seniors vivaient de la même façon.... Or, surtout aujourd'hui, il est indiscutable que la pluralité des situations rend l'effet générationnel peu lisible.
Ensuite, vos discours soutiennent que la pauvreté est un problème de jeunes. Presque un regret du bon temps où vieillesse était synonyme de misère... Rassurez-vous : elle revient. La baisse des retraites, la hausse du chômage des seniors, la situation difficile des femmes seules et très âgées se cumulent pour que se referme la " parenthèse heureuse ", pour reprendre une expression de la Fondation Abbé Pierre.
Rappelons que la retraite médiane en France est de 1100 euros par mois.
Vous dites que les seniors participent de la société des privilégiés. Sans doute ne savez-vous pas que dans le privé tomber dans le chômage après 45 ans ne vous laisse pratiquement aucune chance de revenir à des conditions décentes dans l'emploi ? Sans doute n'avez-vous pas entendu parlé de la croissance sans précédent du nombre de seniors au chômage (+ 16% en un an) ?
Les transferts sociaux en faveur des seniors spolieraient les générations de demain ? Ce sont des calculs de masse qui ne prennent pas en compte la formidable augmentation du nombre de personnes âgées qui joue un rôle non négligeable dans ces transferts. L'idée serait-elle de réduire le nombre des aînés ? Comment ? A moins que l'objectif soit d'accélérer le processus de dépeçage des acquis nés de l'application du programme du Conseil National de la Résistance pourtant déjà bien mené par le gouvernement.
N'avez-vous jamais cherché à estimer ce que ces transferts produisent comme dynamique économique au profit de l'ensemble de la société et, partant, de l'emploi des jeunes ?
Dans ces transferts, vous devez penser aux dépenses de santé, je présume. Les vieux coûtent cher ? Mais est-ce à cause du vieillissement ou de la mauvaise organisation des soins ou de l'insuffisance de la prévention, comme le signale le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie du 22 avril 2010. Sans doute vous a-t-il échappé que le gros de la croissance des dépenses de santé provient de l'innovation technologique et non du vieillissement.
A force de critiquer les transferts sociaux, c'est la protection sociale que vous remettez en cause. Vous donnez des arguments à tous les néolibéraux qui rêvent de passer par dessus bord les acquis du CNR. Vous semblez aussi ne pas être au courant de ces millions de personnes âgées qui, souvent plusieurs heures par jour, accompagnent un enfant, un parent, un compagnon ou une compagne, un ou une amie... On parle alors d'aidants. Voyez-vous ils sont environ 4 millions (7 % de la population adulte) et leur âge moyen est de 64 ans. Difficile de mesurer l'apport de cet engagement, d'autant que la présence de l'autre ne se résume pas à une simple traduction monétaire.
Vous semblez ne pas savoir combien de retraités aident leurs enfants, leurs petits-enfants et parfois ceux des autres. Sans doute n'avez-vous pas vu l'importance des seniors et des retraités dans la vie quotidienne des associations de toute taille.
Enfin, à vous lire, la dette publique serait la faute des seniors et de leurs comportements de cigale. C'est oublier que ces derniers ont travaillé pour cela, ont créé des richesses qui dépassent de loin les 1 700 milliards de dettes. Vous oubliez aussi que les seniors toute leur vie ont épargné en se refusant au mirage de la vie à crédit. Et dans cette dette, vous oubliez le poids des niches fiscales, des réductions d'impôts sur le patrimoine ou la suppression de toute taxation sur l'héritage.
Votre discours en faveur des jeunes générations fait comme si les seniors, les retraités n'étaient que des profiteurs... Bien joué : c'est une façon efficace d'essayer de faire oublier la question sociale pour se focaliser sur la question générationnelle.