La iatrogénie médicamenteuse a un coût humain et économique très élevé. Chaque année, plus de 10 000 décès, et plus de 130 000 hospitalisations sont déplorés à cause d'un mauvais usage du médicament. Dans 45 à 70 % des cas ces hospitalisations seraient évitables. Face à ce fléau, les EHPAD ont aussi leur rôle à jouer.
Lutter contre la iatrogénie médicamenteuse en EHPAD
La polymédication, définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), comme « l'administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou par l'administration d'un nombre excessif de médicaments », est fréquente chez les personnes âgées. Celles-ci sont en effet souvent polypathologiques et atteintes de maladies chroniques. Mais si la polymédication peut être légitime, elle peut également être inappropriée et, dans tous les cas, comporter des risques d'effets indésirables ou des interactions médicamenteuses.
« Mauvais dosage, mauvaise prise, non-respect du traitement prescrit, interaction entre plusieurs médicaments... Les causes d'un accident lié à un médicament sont diverses et les conséquences loin d'être anodines », rappelle ainsi le Collectif Bon Usage du Médicament. Les personnes à risques sont principalement celles qui surconsomment des médicaments, notamment les personnes âgées fragilisées. D'après les données citées dans le Rapport Charges et produits pour l'année 2018, l'Assurance maladie estime que la surconsommation médicamenteuse entraîne 130 000 hospitalisations et 7 500 décès par an chez des personnes de 65 ans et plus. Si la polymédication chez les seniors est souvent nécessaire, le risque médicamenteux n'est pas une fatalité et peut être contrôlé.
Des prescriptions "mille feuilles"
Littéralement le mot iatrogène vient du grec et signifie « qui est engendré par le médecin » (iatros : médecin ; génès : qui est engendré). Le Haut conseil de la santé publique définit comme iatrogène « les conséquences indésirables négatives sur l'état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqué ou prescrit par un professionnel habilité et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé ». Les personnes âgées sont plus exposées aux événements indésirables associés aux médicaments du fait des changements physiologiques qui accompagnent le vieillissement normal et de la présence de multiples pathologies. « Les causes de la iatrogénie du sujet âgé sont multiples ; on peut retenir les « prescriptions mille feuilles » qui sont favorisées en EHPAD par de multiples prescripteurs : le médecin traitant, le spécialiste, le médecin coordonnateur et parfois le médecin gériatre hospitalier. De nombreux travaux ont établi la relation quasi linéaire de réactions indésirables avec le nombre de médicaments prescrits et le nombre d'hospitalisations liées à un événement iatrogène augmente avec l'âge », analyse Francis Fauvelle, pharmacien, chef de service au groupe hospitalier intercommunal Le Raincy Montfermeil.
Risque de fragilité
L'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), a mené une étude dont l'objectif était d'analyser la relation entre l'usage de médicaments et la fragilité, en tenant compte de la quantité de médicaments prescrits (polymédication) et de la qualité de la prescription, selon les critères français de prescriptions potentiellement inappropriées (PPI) chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Publiés dans Questions d'économie de la santé en février 2018), les résultats montrent qu'une polymédication est fréquente chez les plus de 65 ans, et confirme le risque de fragilité. Concrètement, une polymédication et une polymédication excessive ont été rapportées chez respectivement 43 % et 27 % de la population étudiée, et 47 % de la population de l'étude ont reçu au moins une PPI. Les médicaments les plus fréquemment impliqués étaient : les benzodiazépines, les anticholinergiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ains) et les vasodilatateurs cérébraux. « Cependant, l'usage inapproprié des antidépresseurs restait limité dans notre étude », soulignent les auteurs de l'étude. Les données établissent aussi qu'un accroissement de la prévalence de la polymédication et des PPI est associé à une augmentation du nombre de critères de fragilité. Ce sont les médicaments à propriétés anticholinergiques qui apparaissent associés avec le niveau de fragilité le plus élevé. Les auteurs concluent que cette étude « doit sensibiliser à l'utilisation excessive de médicaments chez les personnes âgées et encourager les médecins à supprimer les prescriptions dont le faible rapport bénéfices/risques pour leurs patients est connu, en particulier les médicaments anticholinergiques ». Sur ce plan, du chemin vers la déprescription reste encore à parcourir en particulier pour les médecins traitants des personnes âgées.