Dans le n° 8-mai 2011  -  Risque Social  50

Maltraitance et protection des personnes vulnérables

Jean Autexier, ex-directeur de l'ALMA et Directeur de Patients Santé

Publique au CHU de Poitiers, livre son raisonnement sur la protection des personnes vulnérables.

La vulnérabilité est insuffisamment prise en compte par notre droit. La concordance objective entre risque de maltraitance et grand âge doit faire évoluer notre droit pour que ces nouveaux risques sociaux soient mieux gérés. Notre société doit davantage intégrer la réforme de 2007 de notre droit civil.

La loi du 5 mars 2007 officialise la nécessité de protéger la personne vulnérable, et plus seulement ses biens, mais c'est collectivement qu'il faut aller au-delà des dispositifs de tutelle, curatelle ou autre moyen de protection des personnes vulnérables.

Toutefois notre droit dispose d'une marge de manoeuvre très étroite. L'article XIII de la charte des personnes agées dépendantes, intitulé " exercice des droits et protection juridique de la personne ", codifie quelques conseils spécifiques au profit des personnes vulnérables : les médecins et magistrats, initiateurs potentiels des protections juridiques prévues par le code civil, sont invités à bien peser le niveau du régime d'assistance ou d'incapacité qu'ils mettent en place.

Ils doivent évaluer les besoins de la personne vulnérable au plus juste, en gardant à l'esprit la possibilité de revenir au régime légal de capacité de principe des majeurs, dès que les handicaps de la personne à protéger le permettent. L'article XIII invite à privilégier la formule de la curatelle qui, contrairement à la tutelle, ne prive pas la personne de son droit de vote.

La ligne directrice suggérée pour choisir le régime de protection le plus adéquat est celle du régime le moins privatif des libertés.

 

Les évolutions sociologiques souhaitables pour la protection des personnes

En France, le Procureur de la République veille sur les libertés individuelles. Il peut, en liaison avec le juge des tutelles, contrôler ou faire contrôler toute mesure de protection légale1 , mais il ne le fait pas ou pas assez compte tenu des besoins nouveaux de notre société.

Du fait de son statut de patient, la situation faite en France à la personne vulnérable change progressivement, surtout depuis 1995 avec la modification du code de déontologie médicale.

Les évolutions de notre droit, en liant intimement consentement et information, ont transformé en profondeur la relation médecin-personne vulnérable. La traditionnelle responsabilité contractuelle du médecin envers son patient, fondée sur l'obligation du code civil, a été remise en cause dans ses fondements éthiques par le code de déontologie. Ce code de déontologie a précisé les particularités de la relation médicale. Le droit de ne pas dire la vérité au malade lorsqu'il estime cela préférable a disparu au profit du droit à information, même pour les mineurs ou les majeurs protégés.

Déterminant de la validité du consentement, le contenu de ce devoir d'information devient variable en fonction de la personnalité du patient. Cette démarche peut inclure un tiers, mandataire, futur tuteur sélectionné par la personne qui peut aussi en faire sa " personne de confiance " telle que l'envisage la loi Kouchner du 4 mars 2002... Cette quête du consentement aux soins du patient devient alors " triangulaire " en impliquant un tiers compétent.

Mais le critère le plus significatif pour illustrer le niveau du dispositif de prévention des maltraitances de notre société serait de multiplier les exemples de mise en oeuvre du dispositif pénal protégeant les personnes vulnérables : l'article 223-3 stipule que le délaissement, en un lieu quelconque, d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende. Ces faits, ou plus encore ces " absences de précautions " que les gérontologues ont appelé abus de faiblesse2, font de la vulnérabilité de la victime la cause juridique de la qualification de l'infraction...3.

La prise en compte du statut des personnes ainsi ciblées comme vulnérables s'est aussi manifestée au sein de notre code de la santé publique. Ce code prévoit que " le médecin qui constate que la personne à laquelle il donne des soins a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 490 du Code civil, d'être protégé dans les actes de la vie civile peut en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement4.

Comme toujours le législateur reste prudent et n'évoque cette protection que comme une possibilité, mais il faudra sans doute aller plus loin pour promouvoir un système efficient de protection des personnes vulnérables, et c'est à l'évidence le degré de développement des " mandats de protection future " apparus avec la loi du 5 mars 2007 qui pourrait devenir le meilleur indicateur des " actes de prévention de la dépendance " générés par notre société.

Au final, c'est à l'aune de la multiplication de tous ces outils de protection trop peu utilisés, que l'on pourra juger de la réalité de la prise de conscience par notre société de l'impérieuse nécessité de prévoir et organiser au mieux les à-coups de son vieillissement en essayant de prévenir les maltraitances. L'inéluctable n'est vraiment dramatique que s'il n'a pas été anticipé, et c'est à nos concitoyens qu'il appartient de s'approprier la prise en compte des conditions de leur fin de vie.

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