La loi de protection des enfants du 7 février 2022 intègre au Code de l'action sociale et des familles une définition de la maltraitance, issue des travaux de la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance, et commune aux secteurs de l'enfance, de l'âge et du handicap.
Maltraitance : une définition gravée dans le marbre
Une définition de la maltraitance vient de faire son entrée dans le Code de l'action sociale et des familles (CASF) grâce à l'article 23 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet.
Article L. 119-1 : « La maltraitance au sens du présent code vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu'un geste, une parole, une action ou un défaut d'action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d'accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. »
Rien à voir avec l'actualité chaude du moment, juste une coïncidence.
Seuil d'intolérance et de non-acceptation
Le nouvel article du CASF est en effet issu d'un amendement du Gouvernement déposé le 8 décembre 2021 et motivé ainsi : « En figurant au sein du titre Ier du livre Ier du Code de l'action sociale et des familles, cette référence commune devient un des principes généraux guidant l'action sociale et médico-sociale et permet de consacrer la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance comme constitutive de cette dernière. »
Cette définition partagée de la notion de maltraitance pour les secteurs de l'enfance, de l'âge et du handicap était en réalité dans les cartons depuis quelques mois. Elle avait été élaborée par la commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance (mise en place en février 2018), à l'issue d'un an de concertation dans le cadre d'une démarche de consensus bénéficiant de l'appui méthodologique de la Haute Autorité de santé. Elle avait rendu sa copie au Gouvernement le 19 avril 2021[1] : « Ce vocabulaire partagé se veut, malgré son caractère perfectible, une étape significative dans la politique publique de protection des personnes en situation de vulnérabilité et le signe résolu et durable que le corps social élève significativement son seuil d'intolérance et de non-acceptation des situations de maltraitance. »
Une remarque de Sophie Cluzel de ce jour-là résonne aussi particulièrement dans le contexte de l'affaire Orpea. « Savoir nommer la maltraitance, c'est le premier pas pour la combattre » avait déclaré la secrétaire d'État aux personnes handicapées.
Quoi qu'il en soit, cette définition partagée et consensuelle était en attente de traduction législative, la loi du 7 février vient de la graver dans le marbre.
Elle sera également inscrite au sein du futur référentiel d'évaluation de la qualité des ESSMS de la HAS... aujourd'hui encalminé. Avec actuellement une double inquiétude : la réforme de l'évaluation se trouve dans un vide juridique après l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'article 52 de la LFSS 2022 qui en posait la base légale et le débat que suscite l'affaire Orpea est souvent marqué par un mélange des genres entre évaluation et inspection.
Les ESSMS devront désigner une autorité extérieure
Un autre article de cette loi, le 22, s'applique à l'ensemble des ESSMS.
Modifiant l'article L. 311-8 du CASF, il dispose que le projet d'établissement ou de service doit préciser la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance qu'il met en oeuvre, notamment en matière de gestion du personnel, de formation et de contrôle. L'enjeu ? « Développer une véritable culture de la prévention dans tous les services et établissements qui n'en auraient pas encore », écrit le législateur.
Le projet d'établissement ou de service devra également désigner une autorité extérieure, indépendante du conseil départemental et choisie parmi une liste arrêtée conjointement par le président du conseil départemental, le représentant de l'État dans le département et l'agence régionale de santé, à laquelle les personnes accueillies peuvent faire appel en cas de difficulté, et qui est autorisée à visiter l'établissement à tout moment.
Un décret définira le contenu minimal du projet, les modalités d'association du personnel et des personnes accueillies à son élaboration ainsi que les conditions de sa diffusion une fois établi. Mais là aussi les suites de l'affaire Orpea rejailliront sans nul doute...