Monique Ferry réalise actuellement une étude européenne pour l'OMS sur les déficits nutritionnels à domicile. Nous lui avons demandé de nous parler de la dénutrition des personnes âgées.
Manger-bouger c'est bon pour le cerveau
J'ai absolument voulu faire cette étude pour évaluer l'état nutritionnel des gens à domicile qui ont des maladies chroniques. Ces gens intègrent les EHPAD justement parce qu'ils sont dénutris. C'est du gâchis alors que l'on sait comment éviter cela.
Cela signifie qu'en EHPAD il y a un meilleur suivi ?
Quand les gens sont dénutris chez eux, ils peuvent être renutris en EHPAD, c'est un avantage mais c'est problématique. Une étude finlandaise qui avait suivi des gens à domicile à cinq ans et dix ans, avait constaté que 40% des gens de 70 ans et plus, à domicile, étaient hospitalisés ou entraient en EHPAD à cause d'une complication liée à la dénutrition.
On peut également maintenir le niveau cérébral et cognitif en nourrissant bien les gens et en les stimulant. Nous avions fait une étude qui montrait qu'on pouvait pendant trois ans obtenir une stabilisation de l'état cognitif en nourrissant les gens correctement.
Quels sont les déficits nutritionnels qui vous paraissent les plus flagrants ?
Ce qui me paraît le plus important c'est en premier de surveiller le poids et en même temps la masse maigre et la masse grasse. Quand on prend de la masse grasse, souvent on perd du muscle. Il faut reprendre du muscle et du gras. Pour cela trois facteurs sont importants : le poids, l'appétit, l'activité physique (le nombre de pas que fait la personne dans une journée). Ce n'est pas la peine de demander de faire de l'exercice physique à quelqu'un qui ne pourra pas y arriver. La première des choses c'est d'arriver à augmenter chaque jour un petit peu non pas l'exercice physique mais l'activité : manger-bouger, c'est ça le message à transmettre. On ne peut pas bien nourrir les gens si on n'y associe pas un minimum d'activité physique. Si on lutte contre la sédentarité on lutte aussi pour maintenir le statut cognitif. Manger-bouger c'est bon pour le cerveau.
Nous avons réussi à avoir 3 ans de statut cognitif maintenu chez des gens qui auraient pu devenir «alzheimer à temps complet», mais qui ont été stimulés, nourris et stabilisés dans leur déficit cognitif.
On ne fait pas suffisamment d'exercice physique en EHPAD ?
Ce n'est pas tant l'exercice physique : il faut simplement que les gens bougent or les gens sont sédentaires et c'est contre ça qu'il faut lutter. Tant que les gens ne bougent pas ils font du gras. On croyait que la boule de graisse était quelque chose d'anodin, mais ce n'est pas vrai, cela a un contenu hormonal non négligeable et apporte des facteurs inflammatoires qui ne sont pas bons. On a montré chez les personnes âgées qu'on perdait la sensation de soif, mais aussi qu'il y avait disrégulation de l'albumine. Il faut garder l'envie et le plaisir de manger. Et pour garder ça, il ne faut pas qu'on soit assis dans une chaise sans bouger. Même les gens qui ne peuvent pas marcher, il faut les faire bouger.