Les médecins coordonnateurs sont-ils une "denrée rare" ? Dans un contexte marqué par la pénurie médicale, il semble qu'ils ne fassent pas exception. Leur recrutement s'avère aujourd'hui plus compliqué bien qu'il faille quelque peu nuancer selon le statut voire l'implantation géographique des EHPAD dans lesquels ils exercent. Diagnostic, enjeux et perspectives.
Médecins coordonnateurs : un recrutement compliqué ?
La situation est plutôt "tendue", "compliquée". Depuis plusieurs mois déjà, bon nombre de directions médicales d'EHPAD peinent à recruter des médecins coordonnateurs "?même si certains sont en poste depuis longtemps et s'épanouissent dans leur fonction?", observe le Dr François Deparis, directeur médical du groupe associatif Arpavie qui regroupe 125 établissements dont 46 EHPAD. "?Entre?2010 et?2014, nous avions des candidatures régulières de médecins coordonnateurs, avec des postes pourvus à plus de 90?%. Depuis près d'une année, ce n'est plus le cas et presque 20?% des postes à pourvoir restent vacants plusieurs mois?". Même constat pour Florence Barthelemy, directeur médical dans un groupe privé, Emera?: "?On s'en sort mais cela demande de l'énergie et un investissement en temps?", et ce malgré "?les réseaux locaux, le contact avec les associations de médecins coordonnateurs?", voire l'appel à "?des cabinets de recrutement spécialisés?".
À quoi faut-il imputer ce phénomène??
Ces difficultés sont le fruit de facteurs multiples. La réalité de la démographie médicale d'abord qui n'est pas sans répercussion sur ce type de recrutement. "?Le manque de connaissances générales de l'univers médico-social dans l'environnement des médecins?" peut en partie l'expliquer, remarque le Dr Barthelemy. Les médecins ne sont pas toujours prêts à ne "?plus être prescripteurs en direct 1?".
"?D'après le terrain, 60?% d'entre eux seraient amenés à le faire?", relève toutefois le Dr Gaël Durel, gériatre et co-président de l'association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCoor). À cela s'ajoute une image négative de l'univers médico-social, ou encore "?le nomadisme de certains médecins coordonnateurs surtout en Ile-de-France où il y a plus d'offres que de demandes?", remarque le Dr François Deparis.
La question des rémunérations semble enfin représenter un frein. "?Si l'on veut de bons médecins coordonnateurs, il faut bien les payer?", souligne le coprésident de MCoor précisant que "?la rémunération oscille entre 4?000?et 8?000 € nets en fonction de l'ancienneté, des primes complémentaires, des prises en charge du 13e mois, de la mutuelle, de la reprise de la retraite + de
40 ans...?"
Un manque d'attractivité du métier
Le directeur médical d'Arpavie remarque que le manque d'attractivité de certains établissements implantés dans des zones sinistrées est une réalité. "?À Loudun (86), cela fait plus d'un an et demi que l'on cherche un médecin coordonnateur. Nous avons aussi du mal à pourvoir nos postes sur Méréville (77) ou St-Omer (62)?", poursuit-il. Enfin, tout dépend du niveau de compétence exigé. "?Sur le nombre de candidats, tous n'ont pas une Capacité de gériatrie ou un DU et des compétences managériales?". Un avis que ne partage pas le Dr Durel. "?Les médecins coordonnateurs sont des experts en gériatrie et ils se forment. Le problème est plutôt lié au temps de travail minimal.?"
D'après les premiers résultats de l'enquête nationale sur l'activité des médecins coordonnateurs réalisée par l'association MCoor, "?12?% [d'entre eux NDLR] occupe un poste inférieur à 0,25?% ETP. Ce non-respect de la réglementation par les établissements est confirmé par un médecin sur deux, sachant que le non-financement du temps réglementaire est avancé dans la moitié des cas.?"
De mauvaises relations avec les directeurs d'établissements, le manque de moyens octroyés ou d'objectifs non tenus sont ainsi sources de turn-overs, tensions, voire de ruptures de contrats et de difficultés de recrutement.
Enjeux et pistes
"?Le métier peut être attrayant?", le Dr Gaël Durel n'en démord pas. Encore faut-il "?faire attention à la formation 2 et offrir de bonnes conditions pour attirer les médecins.?" Au-delà de l'image, le Dr Florence Barthelemy considère que l'attractivité de la fonction passe par "?la constitution d'une équipe fédérée autour d'un projet commun?" dans laquelle "?le médecin coordonnateur, sans lien hiérarchique avec l'équipe autre que la compétence, est aussi porteur de sens.?"
"?On était jusqu'alors beaucoup dans le contrôle, cela va évoluer avec des perspectives plus positives?", estime le Dr François Deparis. Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), obligatoires pour tous les EHPAD, et qui vont se substituer aux conventions tripartites à compter du 1er?janvier 2017, risquent de changer la donne en rendant "?les établissements plus responsables?", et plus autonomes. "?La revalorisation du binôme médecin coordonnateur/infirmière coordinatrice (Idec) va faire son oeuvre dans les années à venir.?"