Dans le n° 147-mars 2023  - Partie II  14545

Métiers de la prise en soin des seniors, crise de sens et mutations sociétales...

Dans la première partie de cette chronique dédiée à la « fuite des coeurs » dans le secteur de la prise en soin des aînés, nous évoquions la nécessité de renforcer la qualité des emplois.

À travers la question des salaires certes, mais peut-être plus encore par la puissance du sens. Il s'agit d'une aspiration révolutionnaire pour paraphraser deux auteurs qui viennent de publier un ouvrage important sur le sujet[1]. Le fait de redonner du sens ne se calcule pas sur un tableur Excel, ne peut se limiter à une campagne de communication, ne se décrète pas...

Comment redonner du sens à des métiers trop marqués par la technique, la norme, les hiérarchies et les contraintes de temps ? Oui le temps... Donner du sens au temps, prendre le temps du sens. En parler, s'organiser, s'écouter... Sans doute, aussi, faut-il valoriser les métiers du care dans la société, auprès des jeunes comme des enseignants. Mais aussi aller vers les seniors à la recherche d'une deuxième partie de carrière et s'adresser plus spécialement aux hommes alors que la plupart de ces métiers sont très fortement féminisés. Mais cette valorisation ne peut se faire sans impliquer la société tout entière et sans prendre en compte l'évolution de la sociologie et des modes de vie des soignants comme des soignés. On évoque, par exemple, le manque de médecins, généralistes et spécialistes, or ce n'est pas le nombre qu'il faudrait évoquer mais plutôt le temps de soin. En effet, en 1968, le taux de médecins pour 100 000 habitants était de 119, contre 339 aujourd'hui, selon une étude de la Drees datant de mars 2021. Certes, la population est plus fragile et plus âgée qu'à la fin des années 1960, mais tout de même... La sociologie des populations vivant en France a fortement évolué. Les attentes et besoins de confort des habitants comme des acteurs de la santé au sens large sont très différentes d'il y a 50 ans.

Autonomie et qualité de vie

La question du management est aussi un levier pour renforcer l'attractivité des métiers du prendre soin et de l'accompagnement, en particulier via un travail sur l'autonomie des personnels, en favorisant la délégation des taches entre les acteurs de santé et les évolutions de carrières par la valorisation de l'expérience. Rapprocher lieux d'habitation et lieux d'exercice, aider à l'accès à un parc automobile « propre » et moins coûteux, faciliter le quotidien des personnels, en particulier des femmes seules avec des enfants, sont des pistes complexes mais porteuses de sens pour changer la donne.

Une autre piste féconde consiste à marquer simplement de l'attention et de l'affection par des moments favorisant la qualité de vie des professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles : les « petites bontés » évoquées par Levinas. On peut penser pour soutenir et remercier les personnels, par exemple, à la mobilisation des médecines complémentaires adaptées sur leur lieu de travail, au soutien à l'activité physique, à des conseils en nutrition, à de l'aide à l'accès à des produits alimentaires de qualité et cultivés à proximité, ou encore à des temps consacrés à de la chorale, à des pratiques culturelles... L'enjeu, c'est bien de prendre en compte les attentes et modes de vie des soignants pour prendre soin de ceux qui prennent soin.


01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...