Le rite s'avère nécessaire pour tous : résidents, familles, équipes. Avec l'aide de Tanguy Chatel membre de l'Observatoire de fin de vie, sociologue, auteur et accompagnateur bénévole à l'ASP Fondatrice.
Mettre du rite, c'est créer de la santé interne
Le rite est un message qui a une double fonction : honorer le défunt et fédérer les vivants autour d'un sens partagé. Les rites ont existé avant les religions et ils permettent à l'homme de s'affirmer comme un être civilisé. De plus, le rite crée du lien : il nous dit qu'on fait partie du même groupe et donne une force symbolique à ce que nous vivons. Longtemps le rite fut religieux et commun. C'est une célébration qui répond au besoin d'honorer le défunt. Aujourd'hui, le rite religieux est à géométrie variable. La volonté du défunt, celle de la famille, le recompose, y ajoute des éléments non religieux : textes, symboles, chants,...
Avec le recul des croyances religieuses, on observe un certain rejet des rites religieux (moins chez les musulmans et les juifs) qui ne répondent plus aux besoins actuels. Cela laisse les vivants, à l'occasion des grands évènements de la vie - particulièrement la fin de vie et la mort - , dans un certain désarroi et une sécheresse de sens qui est mal vécue. En EHPAD, l'annonce même du décès ne se fait pas toujours. Parfois, c'est en voyant la chambre vide que résidents et soignants comprennent. Les premiers se disent que c'est ainsi qu'ils seront traités, les seconds que la relation avec le résident ne valait pas grand-chose...
On constate heureusement des inventions plus ou moins " sauvages ", voire hétéroclites, de ritualités laïque ou composites (ritualités à la carte empruntant à une pluralité de traditions ou de symboles). En EHPAD, ce sont donc souvent les soignants qui réinstaurent le rite autour de la mort : toilette, prière improvisée, bougies, encens,... Certaines structures prévoient un temps de recueillement ou de réflexion auprès du défunt, un temps d'échange avec les autres résidents et/ou les familles autour d'un goûter. D'autres organisent un groupe de parole après chaque décès. Laisser la chambre vide pendant deux ou trois jours permet aussi à chacun - et au lieu - de respirer. Une chambre vide fait honneur à la personne décédée. Qu'un autre résident l'occupe juste après le décès du précédent, serait contradictoire avec le concept d'EHPAD " lieu de vie ". L'institution est déritualisante par nature mais les EHPAD peuvent aider à (re)créer du lien, du plaisir, du sens en favorisant la ritualisation dans leur établissement à l'occasion des évènements marquants : admission, évènements festifs et symboliques, décès.
Cette ritualité contribue à installer une identité et une humanité et un mieux vivre ensemble pour tous. Mettre du rite c'est créer de la santé interne, chez les résidents et dans les équipes. Pratiquer un rite, c'est passer de l'état " côte-à-côte " à l'état " vivre ensemble ". Une mission qui relève du coeur du métier du directeur d'établissement.