Mettre la santé au coeur des politiques publiques
Force est de constater que loin d'avoir repoussé la maladie, le mal-être et la souffrance, notre société de haute technologie a généré de nouvelles formes de pathologies. Si la médecine sait de mieux en mieux soigner, si elle connaît de grands succès thérapeutiques, pour autant, elle est de moins en moins en situation de contribuer à soutenir notre bonne santé. Elle semble incapable de répondre à la hausse continue du nombre de personnes fragilisées par la maladie, la dégradation de l'environnement, le stress, la pression et la précarité sociale. Rappelons, par exemple, que l'allongement de la vie implique aussi une forte croissance de certaines pathologies, en particulier les maladies de Parkinson et d'Alzheimer qui concernent, à des degrés divers plus de 1,5 millions de personnes. Par ailleurs on compte en France plus de 8 millions de personnes en situation de handicap. Leur famille et leurs proches se retrouvent aussi fragilisés. Rappelons aussi que si les pathologies infectieuses ont été pratiquement jugulées - du moins en Occident, les maladies chroniques sont en hausse continue. Ces vulnérabilités sont d'abord liées aux modes de vie des personnes, à la culture de la vitesse et de la productivité, aux conditions de travail de déplacement et d'habitat... Enfin, soulignons que si l'espérance de vie s'est très fortement accrue depuis les années 1960 les différences selon la situation sociale et le style de vie de la personne sont grandissants.
De ce point de vue, il apparaît urgent de mettre la santé, et plus largement le prendre soin, au coeur de toute action publique. Plutôt que d'en appeler à une médicalisation croissante de la société, optons pour une approche centrée sur la prévention et l'accompagnement, autrement dit le care plutôt que la cure. Le domaine de la prévention ne concerne pas seulement la santé et le soin : l'habitat, l'alimentation, la formation ou les conditions de vie au travail sont tout aussi concernés. Il s'agit de penser à la fois des solutions individuelles pour accompagner les personnes, et de développer des approches collectives et partagées. Illich a décrit la contre-productivité d'une civilisation lorsqu'elle n'est plus capable de penser autrement qu'en termes de réponses bureaucratiques et technologiques, le développement des risques iatrogènes s'inscrit dans la même perspective. Il est essentiel de prendre la personne comme un tout et de ne pas chercher à intervenir seulement sur une pathologie indépendamment des autres problèmes de santé, indépendamment de son environnement. Mettre la santé au coeur d'un projet pour le pays, c'est aussi proposer une nouvelle dynamique de l'emploi : privilégier les métiers du care et valoriser celles et ceux qui accompagnent et prennent soin des personnes fragiles ou en situation de vulnérabilité.
S'il faut se méfier des tentations de l'hyperspécialisation, pour autant, pourquoi ne pas initier la santé au rang de grand projet de ce siècle pour le pays ?