" Je recevais quelque chose de précieux : des mots, des gestes. "
Mourir vivant ou la force du spirituel
" Ce qui m'importe c'est d'avoir tout mon temps ". Parole d'adepte des 35 h ? Non, credo de Ghislaine Lorre, aumônière à l'hôpital de Saint-Nazaire et donc chargée de l'accompagnement spirituel en fin de vie. " Il faut du temps pour être vraiment là, pour faire naître une relation qui ramène à la vie ", aime à dire l'aumônière.
Jusqu'en 2005, du temps, Ghislaine n'en a pas beaucoup. D'abord technico-commerciale en informatique, puis chef de projet en agence de communication, elle devient consultante free-lance en accompagnement du changement. Équipes jeunes, rythme soutenu, pression des clients... la parisienne n'est pas vraiment confrontée à la mort. Puis son père est hospitalisé pendant quatre mois, avant de décéder. " J'ai vu sa solitude, son impossibilité de parler à sa famille trop proche... ", confie l'ex-consultante. Naît alors un engagement de bénévole à l'aumônerie de l'hôpital : il s'agit d'aller chercher à l'EHPAD les résidents qui veulent assister à la messe. " Je n'avais suivi aucune formation, j'ai découvert à la fois le contact avec les très vieilles personnes et la conduite d'un fauteuil roulant !", raconte Ghislaine dans un sourire. Semaine en agence, week-end à la chapelle... la consultante-aumônière fait vite le bilan : " Les moments à la chapelle et à l'hôpital sont devenus essentiels. Je recevais quelque chose de précieux : des mots, des gestes." Le destin va l'aider : un licenciement lui permet de suivre une formation à l'accompagnement spirituel en établissements de sante à l'Université Catholique de l'Ouest (UCO) à Angers et de commencer une formation en théologie. De plus, un poste d'aumônier se libère à l'hôpital de Saint-Nazaire (payé à part égale par l'hôpital et le diocèse).
Aujourd'hui, c'est Ghislaine qui est précieuse pour tous, soignants compris. En prenant le temps, en communiquant parfois juste avec les mains, elle peut renouer le contact avec des personnes désorientées, aborder les questions de " l'après ", faire tomber ici et là des croyances autour de l'enfer. " Comme le disait Hubert Lelièvre dans son livre *, conclut Ghislaine, il s'agit de " mourir vivant. " Tout est dit.
* " Je veux mourir vivant - un prêtre auprès des malades du sida " - Editions de l'Emmanuel