Le 4 avril, Serge Guérin, sociologue et Véronique Suissa, psychologue écrivent dans le Quotidien Le Monde : « la façon dont les plus âgés, et les professionnels qui les accompagnent, ont été (dé)considérés lors de la crise du Covid-19, risque bien de rester comme l'un des points les plus noirs de cette période ». D'où l'urgence de placer les questions éthiques au coeur de la réflexion... Et de l'action.
Ne pas ajouter une crise morale à une crise sanitaire
La crise du Covid-19 a clairement mis en lumière la priorité donnée à l'hôpital public par rapport aux Ehpad, la disponibilité des équipements de protection illustrant à elle seule cette regrettable hiérarchisation. « Et puis nous avons valorisé les héros des hôpitaux publics, qui certes le méritaient, mais en oubliant qu'une auxiliaire de vie dans un Ehpad est tout aussi louable, souligne Serge Guérin. L'exécutif a aussi annoncé dans un premier temps une prolongation du confinement pour les plus de 65 ans. La tentation était grande de retenir un critère d'âge comme élément premier de choix d'une personne. Ce n'est pas bon ».
« L'impact majeur de la pandémie sur les plus âgés s'est imposé tardivement dans le débat public. D'où la volonté des États généraux de la séniorisation de changer d'approche, de transcender les clivages entre les secteurs sanitaire et médico-social et d'intégrer des champs de réflexion nouveaux comme celui de la transformation numérique », témoigne David Gruson, Fondateur d'Ethik-IA et membre du comité de pilotage des États généraux.
Selon lui, la conduite du changement ne passera pas par les seuls instruments habituels, législatifs, réglementaires ou financiers. « Ces États Généraux vont favoriser l'émergence de bonnes pratiques et d'initiatives permettant d'améliorer l'accessibilité des services à domicile et des établissements ou encore de mettre en place des méthodes de régulation éthique dans le cadre, par exemple, du recours au numérique ». Le numérique est de fait l'un des grands sujets de réflexion. S'il permet de maintenir les contacts ou même d'aider à respecter la distanciation physique dans l'exécution des procédures administratives, il importe, selon David Gruson de « maintenir les outils sous supervision humaine. Ce principe a été acté par les députés et les sénateurs à l'article 11 du projet de loi relatif à la bioéthique. Si le vote est reporté, rien n'empêche de mettre en oeuvre cette régulation par anticipation avec des collèges de garantie humaine associant les professionnels de santé et les représentants des résidents et de leurs familles ».
D'autres enjeux éthiques majeurs se sont par ailleurs dégagés, comme l'accès des plus âgés aux services de réanimation dans un contexte de pénurie. « Il serait vain de codifier ou de réglementer ces questions en amont. Il faut au contraire généraliser la méthode de la régulation positive au fil de l'eau, et le déploiement de collèges de garantie humaine. Ce process a d'ailleurs été encouragé par la Commission européenne, dans son livre blanc sur l'Intelligence artificielle, le 19 février dernier et par la Task Force sur la régulation de l'IA en santé de l'Organisation mondiale de la santé au sein de laquelle je représente le Conseil consultatif national d'éthique », conclut David Gruson.