La dénutrition des résidents en EHPAD n'est pas une fatalité. Directeur de l'EHPAD Sainte-Marie, à Étagnac (Charente), François Berger a fait de cette problématique son cheval de bataille. Avec Gabriel Serero, chef cuisinier, il a créé la start up NutriCulture à Limoges. Objectif : proposer aux résidents des repas adaptés qui allient le beau et le bon. Explications.
NutriCulture : concilier respect et plaisir de manger
Comment appréhendez-vous la question de la dénutrition des résidents ?
Le devoir d'un EHPAD est de répondre aux besoins, aux attentes et aux droits des personnes accueillies. Les repas sont les moments les plus appréciés par les résidents. Sur notre territoire rural, dans le Limousin, les personnes âgées consomment des patates, du chou, des lentilles, des haricots verts, des pâtes et de la viande de veau, de boeuf, de porc. Dans mon établissement, l'EHPAD Sainte-Marie, à Étagnac, on a fait le choix de privilégier la filière courte en ayant recours aux producteurs locaux et à un boucher de Brigneux. Les résidents apprécient de manger la viande produite par leurs enfants. Il faut donner envie aux résidents de se rendre à table.
Quelles solutions propose NutriCulture pour redonner de l'appétit aux résidents ?
Le résident ne peut pas être réduit à une personne qui présente un déficit protéino-énergétique. Si le cuisinier ramollit les aliments en les hachant, les mixant ou les diluant, ils perdent leur qualité gustative, et les personnes âgées ne reconnaissent plus leur plat. Les supplémentations ne sont pas à leur goût. Ces moyens stigmatisent les personnes qui ont des problèmes à s'alimenter. Après cinq ans de recherche et développement, nous avons mis au point un texturant 100% végétal issu de la cuisine moléculaire. L'agar agar est compliqué à doser et la gélatine de porc n'était pas consommable par des résidents de confession israélite, musulmane ou végétariens. La technique NutriCulture permet d'offrir à chaque résident les mêmes formes, les mêmes couleurs, les mêmes saveurs grâce aux textures adaptées, choisies entre haché, mixé, lisse... Les plats sont déstructurés puis restructurés grâce à des moules en silicone spécifiques. Tous les aliments peuvent être ainsi reconstitués tout en conservant leurs propriétés et leur goût. Cela permet de réintroduire des aliments jusque-là impossibles à manger : saucisson, poireau vinaigrette, hamburger, caramel dur, choucroute, salade russe, petit pois, beefsteak... Le coût de la technique Nutri-Culture est d'environ 50 centimes d'euro par repas.
Vous plaidez en faveur d'une approche globale des repas en EHPAD. Que faut-il comprendre ?
Le plaisir de manger passe par une assiette à la présentation soignée, aux saveurs respectées et aux apports nutritionnels mesurés. Il est aussi essentiel former les soignants au service des repas : savoir installer les résidents à table correctement, adapter l'environnement avec une salle de restauration qui ne soit pas bruyante. Par exemple, si on sert un fromage blanc, dans une assiette blanche, sur une nappe blanche, le résident ne le consommera pas car il ne le verra pas.