Olivier Toma, Président de C2DS, une association à but non lucratif de professionnels de santé mobilisés par le développement durable, répond aux questions de Géroscopie sur le thème des maisons de retraite basse consommation.
Objectif 2020 : une consommation énergétique de 50 kwh/m2/an
Le Grenelle 2 a généré 257 articles de loi dont une quarantaine qui s'appliquent au secteur hospitalier et médico-social et notamment sur les aspects énergétiques. En terme de permis de construire, à partir du 1er janvier 2013, il faut qu'un bâtiment respecte certaines règles en termes énergétiques et notamment il ne doit pas consommer plus de 50kwh/m2 et par an. Or la moyenne du secteur des Ehpad est entre 275 et 350 kwh/m2/an. Si on construit un Ehpad aujourd'hui, il devra respecter cette consommation de 50Kwh/m2/an, c'est la loi.
La plupart des EHPAD nouvellement construits intègrent la dimension environnementale. Pensez-vous qu'en général ils vont suffisamment loin?
Cela dépend de la volonté de celui qui construit l'Ehpad. Tout projet écoconçu doit être réfléchi comme tel avant même que l'architecte dessine les plans. Des constructeurs qui ont cette volonté là, il y en a peu. Les architectes ne sont également pas formés sur ces sujets-là. Un bâtiment écoconçu ce n'est pas une toiture végétalisée, c'est un bâtiment conçu en intégrant les impacts qu'il génère et en faisant en sorte de les réduire. On ne construit pas de la même manière à Bordeaux ou dans le Nord, donc il n'y a pas de réponse générale. Les clés sont la volonté farouche des deux acteurs que sont le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre.
Pour qu'un Ehpad, pendant son cycle de vie, soit économe en énergie et en impact sur la santé humaine, il faut que l'ensemble des utilisateurs soient formés à l'utilisation du bâtiment (régulation de température, qualité de l'air intérieur, gestion des déchets, entretien). Si vous ne respectez pas ces règles jamais, dans le temps, vous n'obtiendrez un Ehpad respectueux de l'environnement et des hommes.
Cet aspect manque aux labels type HQE. C'est pourquoi nous avons créé le label THQSE (Très Haute Qualité Sanitaire et Environnementale) qui intègre l'utilisation des bâtiments.
Il est aussi important de prévoir l'utilisation d'un bâtiment que de l'éco-concevoir. C'est un tout, sinon cela ne marche pas. Le risque est de construire des bâtiments avec le label HQE mais sans qu'ils limitent leurs impacts environnementaux, sanitaires, économiques et sociaux.
Il est bon de rappeler que le but est d'apporter du bien être aux hommes et aux femmes, qu'ils soient résidents ou salariés. Le gros danger de ces dernières années est de réfléchir sur la technique en excluant l'oeuvre, ce qui a pour conséquence d'avoir des bâtiments économes en énergie mais totalement confinés, avec un air toxique. On a oublié de mettre l'humain au centre. Avec notre label THQSE nous mettons l'humain au centre, la technique au service de l'humain et pas l'inverse.
On sait aujourd'hui faire des bâtiments non énergivore, le vrai défi des années à venir est d'associer réduction des consommations énergétiques et qualité de l'air. Les bâtiments sont tellement confinés que l'air est vicié. Les mesures que nous effectuons sur le terrain nous indiquent que l'air est très chargé en composés organiques volatils parce que l'on n'a pas réfléchi aux matériaux utilisés.
C'est une démarche très exigeante mais pas forcément plus coûteuse.
Les dépenses de chauffage sont très importantes dans les maisons de retraite. Par quels moyens peut-on essayer de les réduire ?
Il y a le neuf et l'ancien. Les textes et les techniques qui s'appliquent sont différentes. Le Grenelle 2 parle d'objectifs pour les bâtiments neufs de 50kwh/m2/an. A partir de 2020 il faudra être en énergie positive.
Pour le bâtiment ancien il faudra réduire entre 2009 et 2020 la consommation énergétique de 38%, c'est la loi. Il faut déjà le savoir. Et ensuite mesurer la consommation énergétique de son bâtiment. Or, étant chaque jour sur le terrain, je rencontre rarement des établissements qui connaissent leur ratio de consommation. Tant qu'on n'a pas le ratio de départ on ne peut pas se fixer un objectif de réduction. Je suis souvent étonné de rencontrer des établissements qui ne connaissent même pas la superficie exacte de leur locaux. Or avoir des données justes est un préalable. Ensuite il faut confier à un expert le soin de réaliser un diagnostic de consommation énergétique des bâtiments pour savoir comment est consommée l'énergie et où sont les déperditions (avec caméra infrarouge). Cela veut dire que dans une rénovation l'isolation par l'extérieur, des fenêtres, des toits est un aspect important.
Il faut regarder aussi comment est produite l'énergie : en changeant de chaudière on peut économiser 30% d'énergie. Or le prix de l'énergie a été multiplié par 4 en dix ans, et il va encore doubler dans les années à venir. A cela s'ajoutera en 2020 la taxe carbone, issue du Grenelle 2.
Un EHPAD à énergie positive est-il possible ? A quelles conditions ?
Aujourd'hui il n'y en a pas. Les professionnels du bâtiment savent faire, mais c'est plus cher. Si vous avez un budget restreint vous ne pouvez pas faire cet investissement, même si vous consommez moins pendant 20 ans. C'est tout le problème de la France. Nous militons depuis deux ans pour la création d'un fonds pour la rénovation énergétique dans le secteur hospitalier et médico-social. La rénovation énergétique ne se fera pas toute seule. Si un établissement doit investir 1 million d'euros supplémentaire pour économiser 300 000 euros pendant 20 ans, cela passera par un fonds, comme les Anglais ou les Allemands. Nous militons aussi pour un taux de TVA réduit sur les travaux de rénovation énergétique. Encore faut-il que les fédérations et la profession s'emploient à militer sur ces sujets-là. Ce qui est encourageant c'est que la prise de conscience des acteurs de terrain existe de plus en plus...