En 2018, l'Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté a lancé un état des lieux des soins podologiques en Ehpad afin, notamment, d'identifier de nouvelles pistes de prévention des chutes, souvent responsables d'hospitalisations et de perte d'autonomie.
Objectiver l'organisation des soins podologiques en établissement
L'étude initiée par l'ARS et l'URPS Pédicures-Podologues, et réalisée par l'Observatoire régional de la santé[1] visait à identifier les pratiques de soins des pieds mises en oeuvre par les équipes médico-sociales en termes de prévention, de repérage et de soins, ainsi que les modalités de recours aux pédicures-podologues, comme le souligne Aurore Petigny, chargée d'études à l'ORS de Bourgogne-Franche-Comté et co-autrice de l'enquête : « Un questionnaire en ligne a été adressé aux Ehpad - une centaine ont répondu -, ainsi qu'aux pédicures-podologues, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux médecins généralistes. Une étude précédemment menée sur la prise en charge de pédicurie-podologie des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs par la Fondation Médéric Alzheimer a également contribué à la conception de l'enquête[2]. »
Parmi les principaux enseignements de l'état des lieux de l'ORS, il ressort que les aides-soignants et les infirmiers sont les « piliers » du repérage, les symptômes qui les alertent étant le plus souvent des lésions, des problèmes cutanés et des douleurs. « La moitié des établissements ont mis en place un bilan podologique systématique pour les nouveaux résidents, poursuit Aurore Petigny. La marge de progression est donc importante. » Retenons également que les Ehpad font généralement appel à un ou deux pédicures-podologues libéraux, dont l'intervention régulière est organisée dans un établissement sur deux, et parmi ceux-ci, mensuellement pour la moitié d'entre eux.
L'enquête a aussi mis en lumière des points de vue discordants selon la profession exercée. Comme l'explique Aurore Petigny, « si six Ehpad sur dix jugent la coordination des soins podologiques effective, les pédicures-podologues ont une vision moins positive : seul un tiers d'entre eux ont un accès systématique au dossier médical du résident, 13 % disposent d'un lieu de consultation dédié et les rendez-vous ne sont planifiés que dans 40 % des cas. Au final, moins de 50 % des pédicures-podologues considèrent que l'organisation des soins des pieds est adaptée en Ehpad ». D'autre part, si deux tiers des établissements répondants soulignent que l'intervention des spécialistes arrive toujours ou souvent au moment où les soins sont nécessaires, seuls 53 % des pédicures-podologues partagent cet avis.
Préconisations
« La profession de pédicure-podologue doit être mieux connue par les professionnels des établissements et par les familles. Un autre frein à l'accès à ces soins réside dans le fait qu'ils ne sont pas remboursés, sauf pour les patients diabétiques de grade sévère », souligne Aurore Petigny. Un constat auquel souscrit pleinement le Dr Dominique Bollotte, conseiller médical à la direction de l'autonomie de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté : « La connaissance par le grand public des missions des pédicures-podologues se limite souvent à la coupe des ongles, raison pour laquelle l'URPS envisage une campagne de communication auprès de la population générale, mais également en direction des professions médicales et paramédicales. Aujourd'hui, les aides-soignantes, qui constatent un problème au niveau des pieds pendant la toilette, n'ont pas toujours le réflexe d'alerter l'infirmière, qui pourra elle-même hésiter à solliciter un pédicure-podologue. Des formations sont sans doute nécessaires au-delà de la sensibilisation. Mais il est vrai que le non-remboursement de ces soins génère aussi du non-recours. » D'où la suggestion faite par plusieurs membres du groupe de travail de l'ARS de demander une aide au financement pour prévenir les difficultés croissantes liées à l'avancée en âge : déformation des articulations, pieds trop plats ou trop creux en raison de troubles neurologiques, de séquelles d'accident vasculaire cérébral ou de diabète... « Les pédicures-podologues peuvent se déplacer facilement en Ehpad. C'est un élément facilitateur. Il faut également rappeler aux résidents l'importance de ne pas interrompre les différents suivis médicaux, les consultations régulières chez le diabétologue par exemple », poursuit le Dr Dominique Bollotte qui encourage par ailleurs la réalisation d'un examen podologique dans les semaines suivant l'entrée en institution, ainsi que l'identification d'un pédicure-podologue référent dans chaque Ehpad.
Le médecin de l'ARS est enfin attaché au rappel de quelques règles simples pour prévenir les chutes des personnes âgées : disposer d'un chaussage adéquat et évoluer dans un environnement sécurisé. « Le port de chaussons Chut est sécurisant et pris en charge par l'assurance maladie », conclut-il.