L'Observatoire des Ehpad 2014 (chiffres 2012) est paru. Sandrine Demesse, Associée KPMG et spécialiste dans le secteur médico-social et social, commente les apports essentiels : profil des résidents, reste à charge,
coordination... En arrière-plan se dessinent la réflexion sur les choix de vie des personnes âgées de demain et les divers positionnements possibles pour les Ehpad dans les territoires.
Observatoire des Ehpad 2014 : des pistes pour les établissements de demain
L'Observatoire des Ehpad de KPMG existe depuis bientôt 10 ans. Quelles sont les ambitions de KPMG avec ce baromètre??
L'objectif est triple?: contribuer à une meilleure connaissance du secteur, produire des outils de pilotage, inspirer les pouvoirs publics dans la conception des politiques dans les territoires, spécialement en ce qui concerne les Ehpad. Le baromètre vient compléter nos publications?: "?Secteur Social et Médico-social?: Regards croisés, Enjeux et perspectives?", notre étude sur les politiques internationales du vieillissement...
De par sa présence nationale, KPMG est engagé sur les territoires et connaît bien les acteurs. Sa valeur ajoutée est de modéliser les bons fonctionnements, et de les généraliser en les adaptant.
C'est ainsi qu'on obtiendra des réponses efficientes et qu'on évitera une déperdition d'efforts et de moyens financiers.
L'étude a concerné 324 Ehpad des secteurs PNL (privé non lucratif) et public. Cela représente plus de 26?000 places. Quels en sont les principaux enseignements??
On note d'abord une augmentation du GMP. Ainsi entre?2010 et?2012, le GMP moyen du PNL est passé de 639 à 661, celui des établissements publics de 682 à 710. Les Ehpad doivent maintenant trouver le moyen de s'adapter face à cette augmentation de la dépendance, aux habitudes des nouveaux résidents. D'autre part, comme le souligne le Professeur Gilles Berrut, président du Gérontopôle Autonomie Longévité des Pays-de-Loire, l'augmentation est-elle due à l'entrée de résidents plus dépendants, au vieillissement des résidents dans les établissements ou bien à l'augmentation de la durée de vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer??
Les résultats montrent aussi que près d'1 établissement sur 5 accueille des personnes âgées dépendantes (4 en moyenne). Les Ehpad s'interrogent?: comment prendre ces personnes en charge?? Comment adapter l'architecture à leurs spécificités?? Les fauteuils-roulants modernes ne tiennent plus dans les anciens ascenseurs... Comment former les équipes?? Comment assurer la continuité du projet de vie entre le foyer de vie et l'Ehpad??
L'ANESM recommande aux Ehpad d'être ouverts sur l'extérieur. Où les Ehpad en sont-ils de la coordination??
Les réseaux se mettent en place... pour autant que des acteurs complémentaires existent à proximité. 41?% des Ehpad interrogés ont un partenariat avec des structures d'HAD (hospitalisations à domicile), 43?% avec des unités mobiles de soins palliatifs, 10?% avec des SSIAD (Services de soins infirmiers à domicile). 15?% des Ehpad sont intégrés dans un réseau MAIA. Le facteur géographique est décisif. En milieu rural, l'Ehpad peut être au coeur des dispositifs, pour peu qu'il s'engage dans la télémédecine, mutualise les ressources de santé... . En milieu urbain, l'Ehpad a le choix dans ses partenaires, HAD en tête. Toutefois il doit gérer le nombre important de médecins traitants qui interviennent auprès des résidents. Il y a d'ailleurs une réflexion à mener sur le rôle du médecin-coordonnateur, son rôle pourrait être redéfini.
À noter que la coordination et l'intégration dans les territoires soulèvent un paradoxe?: les Ehpad doivent fournir deux efforts apparemment opposés. L'un est tourné vers l'intérieur et porte sur la démarche qualité, l'autre est tourné vers l'extérieur et développe la démarche coopérative vers des acteurs variés, aux cultures diverses. On pensait auparavant qu'il n'était pas possible de tout mener de front. Aujourd'hui, il apparaît que les deux démarches s'enrichissent mutuellement.
Enfin, la coordination débouche sur une réflexion sur le rôle de l'Ehpad de demain. Il reste à identifier s'il doit être plateforme, plateau technique, centre de ressources ou lieu d'hébergement et s'il doit être leader ou partenaire.
On constate une corrélation directe entre le GMP et le prix de journée. Quand le GMP dépasse 800, le prix de journée se situe à 115?euros.
Nous arrivons à la fin d'un modèle. Le reste à charge est important et le revenu moyen est insuffisant pour le supporter. Cela crée d'ailleurs des difficultés pour le directeur?: difficultés de trésorerie, tensions avec la famille, temps passé à monter des demandes d'aide sociale auprès du conseil général, lesquelles demandes peuvent être rejetées... La solvabilité du résident risque d'entrer en compte dans le choix des résidents. On peut préférer une personne en GIR 1 à fort revenu plutôt qu'une personne en GIR 4 à faible revenu.
Nous sommes également en milieu de cycle en matière de biens immobiliers. Le poids du coût immobilier sur le prix de journée est élevé. S'ajoute à cela que les établissements publics datent de plus de 25 ans et n'ont généralement pas encore lancé de travaux de réhabilitation/rénovation - une bonne partie ne répond pas aux normes d'accessibilité. Mais attention, avant de réfléchir aux travaux, les établissements vont devoir anticiper, imaginer la vie des résidents de demain. Les projets qui seront définis vaudront pour 25 ans...
Qu'apporte l'Observatoire sur le pilotage des ressources humaines??
La ressource humaine est la ressource première des Ehpad, celle dont dépend la qualité de la prestation. Le défi actuel est la montée en compétence des équipes, face à des résidents plus dépendants, à la prévalence des déficiences cognitives, à l'arrivée des personnes handicapées. Il est aussi d'obtenir des équipes élargies?: accompagner la fin de vie ou assurer une animation devenue "activité cognitive" demande des soignants supplémentaires.
Face à la rareté d'infirmières la nuit en Ehpad, plusieurs questions apparaissent autour de la prise en charge médicale de nuit. Comment créer une relation de confiance entre les résidents, les familles et les soignants si l'Ehpad cherche une ambulance à 2?heures du matin et passe le relais de l'accompagnement à l'hôpital?? Si l'Ehpad travaille avec la télémédecine, les résidents et soignants, la solidarité sera au rendez-vous. Le sujet pose aussi la question des coopérations territoriales. Qui doit être leader sur ce sujet, l'hôpital, l'Ehpad??
Avec tant de chantiers à entreprendre peut-on être optimiste, surtout dans un contexte économique tendu??
C'est l'occasion d'imaginer, de diversifier les outils et coopérations afin de mieux répondre aux enjeux du territoire et à la question du lieu où vont vivre les personnes âgées de demain.
Quelle est la différence entre une personne qui vit en Ehpad et une personne qui vit chez elle et est suivie par un SSIAD?? Les troubles cognitifs. La personne qui vit en Ehpad est atteinte de la maladie d'Alzheimer, celle qui vit à domicile ne l'est pas ou est encore assez autonome pour rester vivre chez elle. La technicité du domicile augmente, l'Ehpad se concentre donc sur la question cognitive. Reste à adapter l'organisation et les financements. Est-on capable, non pas de reproduire les modèles qui ont fait leurs preuves, mais de donner des conditions pour que l'inscription dans les territoires se fasse selon les spécificités de chacun?? Les modèles d'organisation et de financements peuvent-ils répondre aux demandes des Ehpad qui font face à la diversification des situations personnelles?? Peut-être va-t-on vers un pilotage régional par un consortium. Peut-être qu'un jour l'évaluation sera celle de la coordination, plus que celle des Ehpad.