C'est par ce cri d'alarme que Sophie Boissard, Directrice générale de Clariane (ex Korian) a alerté Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée à la santé, sur la situation des Ehpad.
On a droit à une filière ! On n'est pas un sous-secteur !
Réunis dans la grande salle de la Mutualité française ce mardi 12 septembre pour les 8e assises des Ehpad, les représentants du public comme du privé ont dressé une nouvelle fois un bilan dramatique de la situation du grand âge.
« Notre société n'est pas adaptée au vieillissement de la population » a constaté Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF). « Prendre en charge nos aînés est une question d'humanité et de responsabilité. Les défis sont immenses. Ils concernent tout le monde, y compris la jeune génération, et tous les sujets, du maintien à domicile en passant par l'urbanisme, le rôle des établissements sur le territoire, et l'ouverture des espaces... ». Un bilan confirmé par Eric Chenut, Président de la Mutualité francaise. « Notre société n'est pas du tout prête. Les besoins de prise en charge sont beaucoup plus lourds qu'avant, posant déjà la question du rôle médico-social des Ehpad ». Tout en insistant sur le sujet de la prévention qu'il juge « absolument crucial. Il faut engager une culture de santé publique et former des soignants. On connait l'état de la pyramide des âges mais on ne prend pas les décisions nécessaires. Si on ne forme pas les professionnels, on n'y arrivera pas ! Alternance, apprentissage, l'ensemble des leviers doit être activé. »
Pour Sophie Boissard, « il y a une triple urgence ». D'abord, il faut compenser l'effet mortifère de l'inflation, remettre à plat le modèle économique ensuite mais « attention la donne a changé », précise-t-elle. « Ce qu'on affirmait en 2018 n'est plus valable en 2023. Les taux d'intérêt ont changé. Nous n'arrivons plus à financer la rénovation des bâtiments » ; enfin la formation. « Pour soigner, il faut des soignants. Nous avons besoin d'une programmation, d'une planification dans le dispositif de soignants. Il est urgent qu'on se remette autour de la table car nous formons moitié moins de soignants que ce dont nous avons besoin. »
Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, s'est montrée attentive et à l'écoute, commentant chacune des réactions point par point. Si bien sûr elle a cherché à rassurer, soulignant la prise de conscience transversale du sujet « c'est un sujet de société à penser globalement », elle a particulièrement insisté sur les changements depuis la crise sanitaire. « Il y a des choses qui ne seront plus comme avant : le rapport vie professionnelle / vie privée notamment. La crise covid a percuté de plein fouet les secteurs de la santé et du médico-social qui étaient déjà en tension ». Sur le sujet de l'attractivité des métiers, elle a insisté sur le nécessaire engagement dans l'apprentissage. « On a un vrai enjeu sur la révision de la maquette des formations, sur la qualité de vie étudiante, et la fidélisation des professionnels en place (mesures de revalorisation du travail de nuit annoncées, mesures de formation, notamment continue...). On ne s'engage pas dans ces métiers par défaut. Nous avons besoin que les jeunes rejoignent ces filières. Mais pour cela il faut les rendre attractives et en parler positivement ».
Bien que l'urgence financière soit sur toutes les lèvres, il faudra encore être patient et attendre les arbitrages du Plfss pour 2024. Pour Sophie Boissard, « l'urgence économique est là. Le risque d'effondrement de notre secteur ne doit pas être sous-estimé. Car quand il n'y a plus d'argent, il n'y a plus d'argent », appelant à une visibilité sur notre modèle économique
Et la construction d'un comité de filière. « Pour un emploi dans une de nos structures, 1,5 emplois sont créés. On a droit à une filière. On n'est pas un sous-secteur et cette loi grand âge, tant demandée, n'est pas une pétition de principe ». Dont acte.