Dans le n° 12-septembre 2011  347

On ne peut pas, pour une question d'âge ou de handicap, isoler des personnes du coeur de la cité

Pénurie de terrain ou différences de revenus élevés, le département de Paris a des spécificités fortes. Malgré les contraintes, Liliane Capelle, adjointe au Maire de Paris, chargée des seniors et du lien intergénérationnel, maintient le cap : la prévention et l'intégration dans la cité restent les mots-clés de sa politique.

Quels sont les principes qui définissent la politique Seniors de la Ville de Paris ?

D'abord il faut définir le mot senior. Pour la Ville de Paris, il s'agit des personnes âgées de 60 ans, à savoir 420 000 personnes, dont 160 000 âgés de 75 ans et plus. Notre politique est guidée par deux objectifs : la prévention et le lien intergénérationnel. Ils seront au coeur de notre prochain schéma gérontologique, qui sera défini à partir du mois de septembre. Cet état d'esprit est partagé dans l'équipe des élus : c'est par exemple celui de Christian Sautter, adjoint au maire de Paris, chargé de l'Emploi, du Développement économique et de l'Attractivité internationale.

Nous avons ainsi une offre de prévention très importante. Sortir, avoir un but, participer à des clubs sont autant de moyens de rester actif et intégré, de préserver son autonomie. Je parle bien de préserver l'autonomie et non de " retarder la dépendance ", la sémantique est importante. La Ville de Paris propose de nombreux clubs, elle offre une carte Senior + qui permet de faire du sport gratuitement dans certains créneaux - pour l'anecdote, le professeur de Taekwondo a 87 ans - elle donne accès aux piscines, au tennis du jardin du Luxembourg... En juillet dernier, pendant trois jours, 3 000 personnes sont venues danser à l'Hôtel de ville !

L'intergénérationnel est-ce un concept ou une réalité ?

Une réalité car notre philosophie est qu'on ne peut cloisonner les gens ni par le sexe, ni par l'âge, qu'on ne peut pas, pour une question d'âge ou de handicap, isoler des personnes du coeur de la cité. Les personnes âgées et les personnes " non âgées " doivent vivre ensemble, dans le respect mutuel - plutôt que dans la compassion. Il y a même une ligne budgétaire pour favoriser le lien et les projets intergénérationnels. Je vous donne un exemple : la Nuit blanche comprend un volet pour les personnes âgées, des médiateurs sont spécialement formés pendant deux jours pour l'accueil des seniors. L'année dernière nous avons emmené des résidents d'un EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) du XVIIIe voir une projection à l'Ecole Normale Supérieure. Il s'agissait essentiellement de personnes défavorisées peu habituées aux sorties culturelles. Le résultat est positif !" Personne n'a rien fait pour moi quand j'étais petite mais aujourd'hui, c'est super " nous a dit une vieille dame. Pour moi, changer de regard, c'est cela : permettre que les personnes âgées restent des citoyens toute leur vie. J'ajoute que dans ce domaine, nous travaillons beaucoup avec les Petits Frères des Pauvres, très actifs.

Comment l'intégration se décline-t-elle dans l'offre d'hébergement ?

Notre volonté est de privilégier les petites structures au coeur de la cité. Ainsi une des PUV (Petite Unité de Vie) se situe dans un étage d'un immeuble par ailleurs " normalement " habité. C'est la même chose rue de Cîteaux (12è arrondissement), où un accueil temporaire occupe le premier étage d'un immeuble. Le projet du boulevard de Charonne (11è arrondissement) va dans ce sens : l'immeuble qui accueillera des personnes handicapées vieillissantes, comprendra des logements sociaux, un cabinet médical une crèche, des boutiques,... et la mairie du 3è arrondissement porte un projet intitulé Réseau-logement solidaire : 20 logements adaptés (grande salle de bains, etc.) vont être construits dans des immeubles sociaux et seront rattachés aux services sociaux. Les personnes encore valides pourront rester chez elles et garder des liens sociaux. Quand nous avons repensé la ZAC Gare de Rungis (13è arrondissement), nous avons misé sur l'intergénérationnel. L'EHPAD de 100 lits (6 unités de vie) est actuellement en construction dans la ZAC, côtoiera des logements étudiants, une crèche et une halte-garderie, des commerces et des bureaux,...

Les Français veulent dans leur grande majorité rester vivre dans leur domicile. Que faire pour aider les Parisiens ?

Certes rester à domicile est a priori souhaitable. Mais attention à l'isolement, à la maltraitance,... Il faut pour réussir mettre en place des services à domicile bien adaptés et bien coordonnés. Dans ce domaine, la Ville de Paris n'est pas aidée par l'Etat. D'une part il y a eu la remise en cause des avantages fiscaux des associations d'aide à domicile. D'autre part, la participation de l'Etat dans l'APA versée aux 30 000 bénéficiaires est de... 6% ! Alors qu'elle devait être financée à 50/50 par l'Etat et le Conseil Général. Aujourd'hui, l'Etat doit 1,1 million d'euros au département au titre de l'APA, du RSA. On a beau dire que Paris est une ville riche, mais si les riches sont plus riches qu'ailleurs Paris compte aussi la plus grande proportion de personnes pauvres de l'Ile-de-France.

Quelle est l'offre d'hébergement à Paris ?

A la fin de ma mandature (mars 2014), il y aura 300 places supplémentaires en centre d'accueil de jour dans la capitale. Le département de Paris a mis en place une aide extra-légale qui prend en charge une partie du prix de journée. Cet aspect est fondamental : les accueils de jour constituent un vrai outil de prévention.

Paris compte 101 foyers-logements, réservés aux personnes valides. L'attribution des places se fait de façon transparente par une commission. L'offre me semble suffisante aussi nous n'irons pas au-delà. Par ailleurs, la solution résidence-services (19 situées dans Paris et 4 en banlieue) ne sera pas davantage développée : elle n'est pas la plus adaptée pour une population précaire, de Rmistes,... Enfin, à la fin de ma mandature, il y aura à Paris 2 200 places supplémentaires d'EHPAD, tous secteurs confondus : public, privé commercial, associatif. Actuellement la ville de Paris construit trois EHPAD, ce qui portera à 17 le nombre d'EHPAD publics. Il est difficile de faire plus et ce, du fait de la rareté des terrains disponibles à Paris. En conséquence, nous participons à des EHPAD privés en imposant un pourcentage de places habilitées à l'Aide Sociale. Ainsi tous les nouveaux projets comprendront entre 10 et 25% de places habilitées.

Le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées est en augmentation. Comment adaptez-vous l'offre ?

Côté EHPAD, il y a des unités de vie et certains établissements comme la résidence Hérold qui réserve la moitié de leurs places aux personnes démentes. L'EHPAD de la Rue Blanche accueille uniquement des personnes démentes. Il existe 300 places aujourd'hui dédiées en accueil de jour, dont certaines pour les jeunes malades d'Alzheimer, pour qui il existe peu de solutions. Une fois encore, c'est le problème de la barrière de l'âge... Nous faisons face à un problème à la fois éthique et social. Il va falloir réfléchir à de nouveaux lieux, moins monolithiques ! Les structures de demain doivent pouvoir par exemple accueillir la famille des résidents. Comment imaginer qu'un enfant handicapé vieillissant qui a vécu toute sa vie avec ses parents puisse en être séparé ? Il faut explorer de nouveaux champs : nous travaillons à titre expérimental sur l'accueil de nuit pour soulager les aidants.

Alors que la France attend les orientations présidentielles sur le financement de la dépendance, quel regard portez-vous sur le sujet ?

Le financement de la dépendance n'a rien de dramatique. Le financement du GIR 4 est maintenu, c'est essentiel pour la prévention, il n'y aura pas de création d'un cinquième risque. Rappelons-nous que 5 à 10% de la population sera très dépendante et le reste vieillira bien.

Propos recueillis par Marie-Suzel Inzé


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