Avec la pénurie de soignants, la gestion des plannings est devenue un vrai casse-tête pour les managers du médico-social. Pourtant, une collaboration avec le personnel se révèle souvent riche et fructueuse.
Organiser ses plannings, du casse-tête à l'efficacité
L'urgence du quotidien intime souvent de « remplir les équipes », avant de penser à adapter le management aux besoins. Or ce travail de « bouchage de trous du planning » est chronophage. Comment dès lors assurer correctement son rôle de manager ? Car le cercle vicieux s'installe. Faisant fi de l'accompagnement des équipes, il faut d'abord des bras pour « sortir » la journée, même si cela génère à long terme une frustration profonde, une impression de travail bâclé qui fait le terreau de la démission des derniers gardiens du temple.
Face à ce constat, les managers qui savent « vraiment » écouter s'en sortent plutôt mieux que les autres. Car les équipes ont la clé de la solution. Il faut pour cela revenir à une relation « les yeux dans les yeux », au besoin en one-to-one, et poser quelques questions plus existentielles. « Qu'est-ce qui vous frustre dans votre travail ? », « Qu'attendez-vous de votre hiérarchie, de vos coéquipiers ? », « Votre vie professionnelle impacte-t-elle votre vie privée ? », « Quelles sont vos motivations ? », « Que trouvez-vous de positif dans l'exercice de votre fonction au sein de notre établissement ? »
Trouver des indicateurs de bientraitance
Mais auparavant, il s'agit de retrouver du sens partagé et de la transparence. Pour cela, il semble judicieux de fédérer les équipes, les résidents et les familles autour d'un indicateur essentiel à la bientraitance, la valorisation de l'établissement et la prévention des RPS-TMS ; le « turn-over auprès du résident ». Alors qu'aujourd'hui les réels indicateurs de la bientraitance sont quasiment inexistants, ce dernier apparaît comme la condition sine qua non de la bientraitance.
À la différence du turn-over, il s'agit là d'apprécier objectivement les moyens offerts au résident pour créer un lien avec ses interlocuteurs et faire ainsi valoir sa singularité. Le « turn-over auprès du résident » se définit par le ratio entre le nombre de résidents et le nombre de personnels ayant franchi une fois la porte de l'établissement pendant un mois. À titre d'exemple, un intérimaire qui réalisera six missions d'une journée comptera pour un. A contrario, si deux intérimaires sont nécessaires pour réaliser ces mêmes missions, ils compteront pour deux. Un personnel CDI comptera pour un, à condition qu'il assure au moins une journée de présence dans le mois. Ainsi, plus le ratio résidents/personnels est élevé, plus confortable est le travail de l'équipe... Un bel outil de motivation d'un travail en commun. L'objectif ainsi posé, les équipes perçoivent l'engagement et la légitimité de la démarche.
La préparation du questionnaire, comme la synthèse des résultats ne devront pas être impactées par les éventuelles pensées limitantes, bien légitimes lorsque l'on a « la tête dans le guidon » et que l'on est affectivement lié à l'institution.
Pour fidéliser et développer sa marque employeur, il est essentiel d'interroger tous les acteurs intervenant dans l'établissement (free-lance, intérimaires comme CDD).
Si la posture ou le temps de manager paraît actuellement incompatible avec la formalisation de telles rencontres, il est possible de déléguer cette animation à un tiers interne ou externe à l'organisation. L'important est d'en conserver l'initiative aux yeux des équipes, pour améliorer son leadership. Malgré l'urgence du quotidien, il est essentiel de formaliser ce temps « hors jeux » de façon à encourager l'expression de la « raison d'être » de chaque personnel. En effet, fini le temps où l'on étudiait les valeurs de l'entreprise pour que chacun y trouve de quoi s'y aligner. Aujourd'hui, les personnels veulent se sentir naturellement en phase avec leur environnement professionnel. Pour ce faire, il faut d'abord prendre connaissance de leur propre « alignement » pour discuter en équipe des valeurs communes.
Pour autant, s'il ressort de l'enquête que la seule motivation de vos personnels est l'argent, c'est que la communication ne s'est pas établie ; la question de l'argent est réelle, mais en rester là constituerait un signe de pudeur non dépassé, un refus d'investissement du sujet par les équipes.
Alors pourquoi changer son approche du recrutement et adapter son management en pleine tourmente ? Parce que les perdants seront les attentistes et que les crises sont propices aux changements qui réussissent ; les signaux sont donc au vert.
De plus, au terme de cette première étape de consultation, l'équipe sera déjà fédérée autour d'une ambition partagée, limiter le turn-over auprès du résident, sans même avoir commencé le travail de fond.
Ce travail d'interrogation des équipes permettra de répondre à deux questions centrales : que veulent les collaborateurs ? Qu'est-ce qui les gratifie dans leur travail ? Cela permet aussi de mieux connaître l'image de son établissement, sa position sur le marché de l'emploi, et les cartes à jouer pour (re)constituer une équipe pérenne.
Et sur le fond
De cette démarche émergeront des interrogations et des solutions propres à chaque organisation. Chaque équipe détient sa solution, et le copier-coller d'un établissement à l'autre ne fonctionne pas. En France, plus de 50 % des salariés trouvent que leur expertise est sous-exploitée par leur manager. Le monde du médico-social, confronté à la souffrance, la fin de vie, le manque de moyens, la défiance de la société, n'a pas besoin d'une frustration supplémentaire. Il est donc urgent de libérer réellement la parole de ses collaborateurs en les considérant comme des experts quelle que soit leur fonction et en leur donnant les moyens de s'exprimer sans les limites qui leur sont habituellement opposées.
Mais alors que devient le rôle de manager ?
Il est à la fois plus délicat et passionnant. C'est la personne à même de rendre réalisables les idées nouvelles. Certes, les organismes gestionnaires d'ESMS n'ont pas toujours la réputation de déléguer les décisions opérationnelles au plus près du terrain, mais petit à petit les choses évoluent. Certains Ehpad mettent en place des postes dédiés à la gestion quotidienne des plannings (et les entérinent lors de Cpom), d'autres tentent de proposer des plannings sans travail le week-end (et oui, c'est parfois possible avec de l'imagination), d'autres encore ne pratiquent plus les périodes d'essai, etc. Pourquoi ne pas impliquer les collaborateurs dans les processus de promotion de leur établissement, mais aussi lors des entretiens d'embauche ? Les personnels peuvent s'exprimer sur les annonces mises en ligne. Ont-ils (elles) envie de postuler (sincèrement, certaines offres sont des remèdes contre... l'embauche) ? Les enjeux humains et financiers sont tels (pour rappel un intérimaire coûte 1,6 fois le coût d'un personnel fixe) que les états-majors devront promouvoir l'hétérogénéité des fonctionnements, charge pour eux de monter à niveau leurs collaborateurs à cet effet.