Dans le n° 147-mars 2023  - Prévention  14544

Oste?oporose : la puissance de la prévention

Éviter les fractures, c'est donner de la vie et de l'autonomie, même en institution. Pour cela, des protocoles existent. Explications.

En Ehpad, tous le disent, l'ostéoporose est une malédiction qui peut se révéler par des fractures gravissimes. C'est le décès pour 20 % des malades, des mois de souffrance ou une perte de validité pour les autres...

Un fardeau sanitaire et social

À 65 ans, 40 % des femmes sont touchées. À 80 ans, elles sont 70 % dont 60 % ayant déjà eu une fracture. Or, cette première fracture est le prédicteur d'une deuxième...

En France, les femmes de plus 75 ans, soit 4,2 millions de personnes, ont de l'ostéoporose pour plus de la moitié d'entre elles. Plus de 200 000 subissent une fracture de fragilité chaque année. Cela représente pas moins de 484 000 fractures de fragilité en France toutes populations confondues. En moins de 10 ans, presque toutes les femmes ostéoporotiques de plus de 75 ans vont se fracturer. Et si quelques-unes traversent l'averse, beaucoup seront polyfracturées...

Au-delà du constat sanitaire, restent les coûts médicaux et sociaux gigantesques, presque 19 milliards d'euros par an ! Les services rhumatologiques organisent désormais des filières de prise en charge complète pour soigner des fractures, rééduquer et remettre sur pied au mieux.

Pour éviter la récidive, les soignants proposent des traitements drastiques composés d'une large palette de médicaments, adaptés aux risques spécifiques de chaque patient. Les médicaments anti-résorptifs par exemple empêchent les cellules osseuses de démonter le « vieil os », d'autres stimulent la formation d'os neuf, de bonne qualité. Tous ont des avantages et des inconvénients nécessitant une analyse de la situation de chaque patient.

Pour beaucoup de patientes, la perception des risques prédomine, en raison d'effets secondaires rares, spectaculaires et fortement médiatisés (ostéonécrose, fracture atypique, embolie, suspicion de récidive de cancer...). Ainsi, le dernier médicament, le romosozumab, stimule à la fois la croissance de l'os et ralentit sa destruction. Suspecté de risques cardio-vasculaires significatifs, il est réservé aux cas de fractures ostéoporotiques graves. Validé par l'Agence européenne du médicament, il n'est pas encore remboursé en France.

Des connaissances oubliées

L'ostéoporose appartient aux maladies de dégénérescence qui affectent particulièrement les personnes de grand âge. Ces maladies s'initient des dizaines d'années avant leur manifestation.

Leur origine se situe à la fois dans le patrimoine génétique humain, et dans des déficits de comportements protecteurs. Ainsi, la densité osseuse est maximale vers 30 ans. Elle décline ensuite de 1 à 2 % par an, avec une forte accélération à la ménopause. La densité osseuse de beaucoup de femmes est affaiblie à partir de la cinquantaine. Des actions de prévention seraient utiles, si l'autorité sanitaire ne les ressentait pas vaines. Pourtant, le Pr Wolff a démontré, dès 1892, que l'os s'adapte aux contraintes jusqu'à plus de 90 ans. Ce savoir est resté théorique jusqu'à récemment.

Bouger pour (re)vivre

Diverses études menées ces dernières années en structures hospitalières (Suisse, Australie, États-Unis, Brésil...) ont permis d'établir des protocoles efficaces pour améliorer en quelques mois la densité osseuse des patientes. Ainsi, en Suisse, Sabrina Morell, kinésithérapeute, et le Pr Thomas Gross ont décrit en 2018 un protocole d'exercices à impacts et en charge. Ils concluaient que « la densité osseuse, la force et l'équilibre des patients s'améliorent déjà après une durée d'intervention relativement courte » ; que « chez les femmes post-ménopausées et les patients ostéopéniques ou ostéoporotiques, la densité osseuse peut être significativement améliorée par un programme d'exercice physique spécifique sur mesure » ; ou encore qu'« en raison de l'efficacité thérapeutique, un tel programme d'exercice devrait être activement recommandé et prescrit chez les patients à risque en complément de mesures nutritionnelles et médicamenteuses ».

En Australie, le Dr Steven L. Watson a piloté le programme LiftMor (2015), avec un groupe de contrôle. Il a démontré l'impact positif d'exercices spécifiques sur des femmes et des hommes déminéralisés. « Un entraînement en résistance et en impact à haute intensité améliore les indices de solidité osseuse sans événements indésirables », relate-t-il, allant jusqu'à préciser que « huit mois d'entraînement supervisé ont amélioré l'appréciation de l'activité physique et la qualité de vie ». Les améliorations de densité osseuse y étaient comparables à celles produites par les médicaments, alors que les personnes appartenant au groupe de contrôle se déminéralisaient.

Une activité pour tous les âges

Le renforcement musculaire généré a également un impact direct sur l'équilibre. Alors que ce dernier devient plus précaire avec l'avancée en âge, des options sont possibles : activités de gymnastique en trois dimensions, comme certaines danses, le tai chi, le qi gong...

Chaque programme doit être adapté à la forme des personnes visées. Pour les personnels de santé, les employeurs peuvent proposer des activités dynamiques afin d'entretenir, de manière préventive, leurs forme et santé osseuses. Une amélioration des capacités physiques en découlera ainsi qu'un impact moral positif. Pour les retraités en forme, de nouvelles activités renouvelleront leur intérêt pour l'exercice avec un argumentaire « autonomie » scientifiquement valide. Pour les personnes plus âgées, conserver voire recouvrer des capacités physiques, musculaires et osseuses stimulera leur confiance dans la vie et dans leurs institutions.

Fédérer les énergies

La prévention primaire de l'ostéoporose est plébiscitée à l'étranger, conséquence de la médiatisation des études australiennes. Cette vague va rapidement atteindre les pays francophones. Les experts en thérapie physique sont présents : il ne reste qu'à orienter leurs compétences vers les exercices réellement efficaces. Pour les kinésithérapeutes, ce sera un nouveau domaine à investir, une évolution de leur spectre d'expertise, en liaison avec les autres personnels de santé. Les directions des Ehpad peuvent être un catalyseur dans ces évolutions favorables tant pour la société tout entière que pour les micro-sociétés que sont les institutions.


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