Et si on ouvrait un atelier d'artistes ici, dans ce petit salon du premier étage ?

Ouvrir un atelier d'artiste en Ehpad : mode d'emploi
L'idée est venue comme ça, en observant cet espace un peu oublié, ce salon au premier étage où personne ne s'assoit plus vraiment. Et si, au lieu d'un salon déserté, on inventait un lieu vivant, propice à la création artistique ? La directrice de la Résidence Beauregard (Villeneuve-Saint-Georges, 94), Carine Courtiller, s'est lancée dans ce projet un peu fou début septembre avec Arbitryum, une société qui aide des établissements à ouvrir leurs espaces sous-utilisés à des personnes cherchant un lieu pour travailler - artistes, médecins, associations, startup, indépendants... Avec l'art pour fil rouge, l'établissement avait déjà lancé de belles initiatives : création de tableaux végétaux, organisation de battles de chant, customisation d'un mur par un graffeur invité... Mais les équipes rêvaient d'aller plus loin, d'inviter des artistes en résidence dans leur établissement. En moins de 2 mois et avec très peu de moyens, l'équipe a imaginé le cadre du projet, diffusé un appel à candidatures, rencontré 19 artistes, aménagé l'espace en un atelier répondant aux besoins des 5 artistes sélectionnés, et rédigé un contrat et une charte de vie collective, le tout en impliquant soignants et résidents.
Histoire d'un projet
5 septembre : première rencontre
Une rencontre avec la directrice est provoquée par un mail envoyé la veille, dans lequel je réagissais à un post linkedIn qu'elle avait rédigé en parlant d'art à l'Ehpad. On y parle de tout : l'idée, les attentes, le fonctionnement de l'établissement, et surtout, de l'apport de cet atelier aux résidents. Dès le lendemain, c'est le branle-bas de combat et on commence par rédiger une to-do-list pour lancer le projet : rédiger un appel à candidatures pour attirer des artistes en résidence, définir une méthode de sélection rigoureuse pour choisir des artistes en adéquation avec le public de l'Ehpad, impliquer les équipes et les résidents dans le processus, établir un contrat, un règlement d'atelier et une charte de vie collective pour garantir un cadre harmonieux et respectueux, préparer l'intégration des artistes et suivre l'impact de leur présence sur la vie quotidienne des résidents et des soignants...
17 septembre : lancement de l'appel à candidatures et pré-sélection
Nous rédigeons l'appel à candidatures en pensant aux détails pratiques du contrat. Notre offre : 50 m2 baignés de lumière, une grande hauteur sous plafond, des résidents curieux qui viendront observer, et des soignants enthousiastes. Notre attente : des artistes qui fréquentent ce lieu et, si possible, des moments de partage avec les résidents. La diffusion de l'appel à candidatures sur différents réseaux fonctionne. Nous recevons 19 candidatures, mais après entretien téléphonique, seuls sept artistes semblent réellement correspondre au projet. « On a pris le temps de discuter avec chacun, pour être sûrs que leurs projets seraient à la fois inspirants et adaptés au lieu. »
1er octobre : rédaction du contrat et de la charte de vie collective
La rédaction de l'appel à candidatures a permis de poser les bases du contrat de mise à disposition de l'espace. Nous y avons intégré l'essentiel des conditions d'exercice : l'accès à l'établissement et à l'atelier, la durée de résidence, les responsabilités de chacun, et bien sûr les contreparties. Ce contrat formel est fondamental, mais il ne raconte qu'une partie de l'histoire. En parallèle, nous avons élaboré un "contrat informel" : une charte de vie collective. Nous avons pris le temps d'y rappeler la philosophie et les valeurs qui sous-tendent le projet. C'est notre façon de nous assurer que chaque artiste, chaque résident, et chaque membre de l'équipe s'engage non seulement à partager l'espace, mais aussi à participer à un projet de vie, ensemble.
16 octobre : visite de l'atelier et sélection finale
Pour tout le monde soit présent et s'implique, nous « volons » le créneau du super-loto du mercredi pour présenter les 7 projets sélectionnés. Et cela marche : les résidents sont enthousiastes, réagissent spontanément à certaines oeuvres, donnent leur avis. Nous les invitons aussi à contribuer à la charte de vie collective, afin que les valeurs partagées soient claires dès le commencement. En parallèle, nous faisons visiter l'atelier (et l'Ehpad plus largement) aux candidats toujours en lice. Nous leur parlons de la vie dans l'établissement, de la charte et du contrat imaginés... pour s'assurer que nous sommes toujours alignés. Nous choisissons, grâce aux votes des résidents, des soignants, et des échanges avec les candidats, les 5 artistes qui occuperont l'espace à partir du mois de novembre : Ludovic (designer), Hiembi (peintre), Christian (peintre et poète), Eléonore Dugué (peintre et danseuse) et Sonia (peintre).
31 octobre : rentrée scolaire pour nos artistes
Les artistes s'installent dans leur atelier et nous aménageons les espaces de chacun. Sonia, Hiembi, Christian, Ludovic et Eléonore sont accueillis en grande pompe. La journée commence par une visite de l'établissement, des présentations chaleureuses aux résidents et aux équipes, un déjeuner convivial et une session de questions-réponses pour les aider à appréhender cet univers encore inconnu.
Echange entre une artiste et une résidente
Aujourd'hui, l'atelier d'artistes est devenu un lieu vibrant, où résidents, soignants et artistes se croisent et échangent. Ce projet, soutenu par une direction investie et une équipe enthousiaste, est un exemple d'ouverture sur l'extérieur réussie. Les ingrédients qui ont rendu ce projet possible ? Une réelle motivation pour passer de l'idée à l'action, une équipe de direction réactive et un partenariat avec Arbitryum (qui a accompagné l'Ehpad Beauregard à mettre en oeuvre ce projet) fondé sur la complémentarité et la confiance. A noter, ce projet a bénéficié du soutien de Klesia et de la Fondation Ocirp. Ça donne envie, n'est-ce pas ?