Parole de psy
Dans un EHPAD, la présence d'un psychologue est devenue indispensable. Pour les résidents, qui naviguent entre perte d'autonomie et fin de vie, pour les familles qui doivent admettre la situation, pour les soignants pris entre volonté de bien faire et impuissance.
L'enjeu, la qualité de vie, est de taille, et c'est sans doute ce qui motive Véronique Léchelle, psychologue à mi-temps dans l'EHPAD Saint-Arbogast à Strasbourg (ABRAPA). Entrée en 2006 dans l'établissement sur un temps partiel (30%) elle travaille depuis janvier à mi-temps. Sa mission ? Prendre en charge la souffrance des résidents et des familles. " Les deux approches sont différentes, commente la psychologue. Je vais vers les résidents car ils n'ont pas forcément de demande. Les familles, elles, viennent vers moi. Une fille qui n'est plus reconnue par son parent vit une souffrance de l'ordre de l'insoutenable. Sans cette reconnaissance, plus de parent, plus de filiation... " Parfois aussi les familles sont dans le déni et la psychologue doit alors faire les premiers pas. Pour être informée des besoins, Véronique travaille de près avec l'équipe pluridisciplinaire. " Le lundi quand j'arrive, je vais voir les aides-soignantes, les AMP, l'infirmière..., raconte-t-elle. Chacun m'alerte : un résident n'a pas eu la visite attendue, une résidente n'a pas pu se lever,... " Il y a la souffrance ponctuelle et il y a la souffrance qui dure. Avec cette dame qui faisait de l'alpinisme et qui est désormais en fauteuil-roulant, il faut travailler le souvenir, le valoriser et faire accepter une nouvelle image du corps. Avec ce monsieur sans famille qui craint de mourir seul la nuit, il faut rassurer, montrer la présence des équipes. Véronique aide aussi le conjoint restant après un décès dans un couple. " La personne a besoin de verbaliser son chagrin, d'exprimer ses angoisses et ses craintes, poursuit-elle. Elle va changer de chambre et ce déménagement est une nouvelle étape dans sa fin de vie. " Avec les résidents désorientés, la psychologue a mis en place des ateliers de photo-médiation : les résidents commentent des photos d'objets de leur chambre. L'occasion pour eux d'exprimer une vision du monde et un langage que d'aucuns pourraient trouver incohérents.
La spécialiste est également disponible pour les soignants, de façon informelle s'il s'agit de relation avec le résident, ou en groupe lors d'un décès. Les choses vont bientôt évoluer : la stagiaire va mettre en place des groupes de parole pour les équipes, à la satisfaction de notre psychologue.
DEA d'ethnologie
Proximité de la mort, souffrances multiples,... le métier de psychologue en EPHAD n'est pas fait pour tout le monde. " Il faut l'avoir choisi ! " reconnaît Véronique. Ce qu'elle a fait en âme en conscience. Le CV de la psychologue est étonnant : BTS Marketing et publicité, long passage dans la banque, DEA d'ethnologie ! " C'est en conseillant les clients que j'ai compris ce qui m'intéressait vraiment. " Il y aura ensuite une licence de psychologie, un DU d'addictologie, un stage décisif en EHPAD, et bien sûr le sésame : le diplôme de psychologue clinicienne psychopathologie.
Si Véronique a trouvé sa voie, elle reste lucide sur son métier. " C'est difficile d'écouter l'autre sans préjugés, de faire face chaque jour à des personnes en fin de vie ", confie-t-elle. La psychologue sait comment se ressourcer. Son autre mi-temps lui permet de voir une autre clientèle et elle s'appuie sur deux superviseurs, un pour chaque activité. " Côté EHPAD, j'ai longtemps travaillé avec Charlotte Herfray *, précise Véronique. Et j'ai créé avec des collègues un groupe de parole réservé aux psychologues des EHPAD. C'est fondamental d'échanger sur nos pratiques ! " A l'ABRAPA la parole est libre aussi. D'ailleurs les psychologues intervenant dans l'association se réunissent le mois prochain autour du thème " Rôle et place du psychologue en EHPAD ".
La banque est bien loin maintenant... " Je n'ai aucun regret, je n'ouvre même pas mes relevés ! s'exclame Véronique dans un grand éclat de rire. Mais je crois que les psychologues seraient utiles dans les banques. Là aussi, il y a beaucoup de souffrance au travail... "
Marie-Suzel Inzé
* Charlotte Herfray, psychanalyste, docteur en psychologie et en sciences de l'éducation, a été enseignant-chercheur à l'université Louis Pasteur de Strasbourg.
Devenir psychologue
Obligatoire pour exercer, le titre de psychologue un titre protégé par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985.
Le cursus comprend cinq ans de formation : trois années de licence et un Master II (master pro ou master recherche en psychologie), avec mémoire validé.
Plusieurs spécialités sont possibles : psychologie clinique et pathologique, psychologie du travail, psychologie de l'enfant et de l'adolescent, traumatismes et société,...
La licence de psychologie par la VAE (Validation des Acquis de l'Expérience) à l'université de Lyon2
Le candidat doit être en mesure de justifier des savoirs fondamentaux des premières années du cursus.
- Connaissances disciplinaires : éthique de la recherche, déontologie professionnelle des psychologues, connaissance de l'histoire et de l'épistémologie,...
- Savoir-faire disciplinaires : savoir-faire méthodologique (observations, expérimentations, entretiens, enquêtes, dynamiques de groupe,...), traitements statistiques,...
- Savoir-faire généraux : capacité d'expression écrite et orale, d'analyse, de synthèse et de distance critique, informatique, langue étrangère, élaboration d'une documentation,...
Source : http://fc.univ-lyon2.fr
ABRAPA
Créée en 1961, l'Abrapa est la plus ancienne et la plus importante association à but non lucratif d'Aide et Services à la Personne du Bas-Rhin. Elle compte 2700 salariés et intervient auprès de 20 000 personnes.
Prestations : aide et accompagnement à domicile, portage de repas, accueil de jour, téléassistance, service itinérant de nuit, SSIAD, EHPAD,...
Reconnue d'Utilité Publique depuis 2008.