Le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement adopté, le 16 septembre, en seconde lecture par l'Assemblée nationale laisse un goût d'inachevé dans le secteur médico-social. Quelques dispositions du texte font bouger les lignes pour les EHPAD, mais on est toutefois loin d'une vraie réforme.
Pas de "Grand Soir" pour les EHPAD
Adapter la société au vieillissement. C'était la grande ambition du projet de loi façonné en premier lieu par Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées puis par Laurence Rossignol, actuelle Secrétaire d'Etat aux Personnes âgées et à l'Autonomie. Mais qui trop embrasse mal étreint... Car tout compte fait, le projet de loi adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale, le 16 septembre, n'a pas abouti à la réforme structurelle - tant attendue - de la prise en charge de la perte d'autonomie. « Malheureusement, le "grand soir" du vieillissement n'est pas dans ce projet de loi », a déploré, lors des débats, Bérengère Poletti, députée (Les Républicains) de la 1re circonscription des Ardennes. Même déception du côté des fédérations représentant les gestionnaires d'EHPAD associatifs et publics. Cette future loi n'est « pas à la hauteur des enjeux du vieillissement de la population et d'un besoin d'aide à l'autonomie de plus en plus élevé des personnes en établissement », considèrent-ils. Selon eux, deux noeuds gordiens n'ont toujours pas été tranchés : « le problème de la hausse du reste à charge laissé aux résidents et à leurs familles et l'amélioration rapide et significative du nombre de professionnels auprès des résidents ».
Il faut dire que les EHPAD ont été, dès le départ, placés sur le banc de touche. Le gouvernement annonçait la couleur : priorité serait donnée au domicile dans ce premier volet du projet de loi. Un second volet consacré aux personnes hébergées en établissement a été promis pour ensuite... être quasiment abandonné, faute de financement. En guise de "lot de consolation", la réforme de la tarification des EHPAD a fait l'objet d'un groupe de travail entre le Ministère et les fédérations, durant six mois. A l'issue de cette phase de cogitation houleuse, le gouvernement a introduit, mi-septembre, par amendements quelques dispositions relatives aux EHPAD, lors de l'examen en seconde lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi . Des mesures qui font bouger quelques lignes.
De la convention tripartite au CPOM
A compter de 2017, un grand changement pour les EHPAD : les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) se substitueront progressivement aux conventions tripartites pluriannuelles (CTP). Pour les établissements habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, le CPOM vaudra convention d'aide sociale. La procédure annuelle contradictoire budgétaire laissera place à « un cadre budgétaire rénové et modernisé qui donnera plus de place à la contractualisation entre le gestionnaire d'établissement et ses financeurs ». Ce CPOM de l'EHPAD sera conclu avec le président du conseil départemental et le directeur général de l'agence régionale de santé pour une durée de cinq ans. « Il fixe les obligations respectives des parties signataires et prévoit leurs modalités de suivi, notamment sous forme d'indicateurs. Il définit des objectifs en matière d'activité, de qualité de prise en charge et d'accompagnement, y compris en matière de soins palliatifs », précise l'article 40 bis du projet de loi. Un cahier des charges du contenu du CPOM et un "contrat-type" seront définis par voie réglementaire.
Laurence Rossignol a insisté sur le fait que « les CPOM ne seront pas optionnels ». En cas de refus de signer ou de renouveler le contrat pluriannuel, le forfait global de soins sera minoré, à hauteur d'un montant maximal de 15 % du forfait par an, dans des conditions fixées par décret.
Le prix du socle de prestations
Les termes de "tarifs socle" qui irritait tout particulièrement le Synerpa a été remplacé dans le projet de loi par "prix du socle de prestations". Un décret fixera cette liste des prestations minimales relatives à l'hébergement. La question de l'intégration ou non de l'entretien du linge personnel courant du résident» dans le socle de prestations, a fait l'objet de longs débats entre les fédérations, lors de groupes de travail. Afin de trancher, le Ministère devrait s'appuyer sur les résultats de "l'Enquête Flash" lancée fin juin auprès des établissements. Le conseil de la vie sociale sera consulté au moins une fois par an sur le niveau du prix du socle de prestations et sur le prix des autres prestations d'hébergement ainsi qu'à chaque création d'une nouvelle prestation.
Un forfait global relatif aux soins
Les fédérations du secteur ont fait entendre à nouveau leur souhait d'une remise à plat globale de la tarification des EHPAD. Pour l'heure, seul le tarif "soins" est réformé. Le projet de loi prévoit un forfait global relatif aux soins prenant en compte notamment le niveau de dépendance moyen et les besoins en soins requis des résidents. Ce forfait global tiendra également compte de l'activité de l'établissement, c'est-à-dire du taux d'occupation. Le cas échéant, ce forfait global comprendra des financements complémentaires relatifs notamment à des modalités d'accueil particulières (accueil de jour, hébergement temporaire, PASA, UHR...). Toutefois, « compte tenu des contraintes pesant sur les finances publiques », le gouvernement a prévu une période transitoire de sept ans, de 2017 à 2023. « Les EHPAD entreront progressivement dans la logique d'une tarification au forfait, concernant le financement des soins. Tous les établissements seront bientôt financés à hauteur du résultat de l'équation dite "GMPS" - GIR moyen pondéré soins », a déclaré, en séance, la Secrétaire d'Etat aux Personnes âgées. Et d'ajouter : « la réforme tarifaire que je vous propose est un pacte d'avenir pour les EHPAD fondé sur la confiance réciproque ». Si les représentants des gestionnaires d'EHPAD associatifs et publics ont salué « une volonté d'attribuer progressivement aux établissements un "budget soins" plus en adéquation avec leurs besoins, ils ne se satisfont pas et plus de promesses de lendemains - voire de surlendemains - meilleurs. Comment faire face à des besoins d'aide en soins de plus en plus importants dans les établissements, en acceptant une progression si limitée des ressources et donc du nombre de personnes auprès des malades pour au moins les 7 années à venir ? », interrogent les fédérations.
Le projet de loi sera à nouveau entre les mains des sénateurs les 28 et 29 octobre.